Apaisée

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Alhambra   Apaisée 22 21/05/08 à 16:37

[ Des avis constructifs ? Very Happy ]

Camille ouvre les yeux, dérangée sans doute par un rayon du soleil, que le rideau entrouvert a laissé filer.
Aussitôt que ses yeux se sont habitués à la lumière, qu’elle s’est un peu redressée, elle se sent prise de migraine, et la sueur accumulée depuis qu’elle s’est endormie, perle sur son front plissé. Elle se lève, titubante, du parquet sale sur lequel, fatiguée, accablée, à bout de force, elle s’est allongée tout à l’heure. Sa tête lui fait terriblement mal, des images s’y mélangent et répètent à son oreille l’acte qu’elle a commis.
Elle s’apprête à rejoindre la pièce voisine, dans laquelle les choses se sont concrétisées, dans laquelle cette idée encore informe, cette pensée tentante mais dérangeante est devenue réelle, mais son pied touche quelque chose, et elle manque de trébucher.
Le couteau, qui saigne encore sur le sol. Son acte était tellement peu prémédité, qu’elle n’a pas envisagé que le couteau, plein de ses empreintes, pourrait encore être là après. Comme indice, comme témoin, comme ennemi. Elle s’en débarrassera plus tard. Elle est encore trop ivre pour se rendre compte de l’importance de cette arme. Ivre d’inconscience, de chaleur, de toute celle folie qui l’a prise, qui l’a emportée, qui l’a emmenée si loin.
Le couteau reste sur le parquet, brillant de soleil et narguant Camille, l’air de dire « Je sais tout, j’ai tout vu. ».
Camille se rend dans la pièce d’à côté. Sur le canapé, son mari dort. Elle l’a emmitouflé avec amour dans une grande couverture rouge. Et le rouge se mélange avec le sang qu’elle a fait couler, il y a quelques heures, en plongeant dans ce corps si fort et si puissant, la lame du couteau. Tout est allé si vite, elle a frappé, enragée, et le couteau était là, si près, si beau presque. C’est dans un fanatisme décadent qu’elle l’a saisi, et qu’elle l’a enfoncé dans le cœur de son mari. Pour la première fois de sa vie, elle a réussi à viser son cœur. Par le biais d’un couteau.
Camille s’assoit sur le canapé, et regarde son mari, qui pour une fois, n’est plus une menace, ni pour elle, ni pour son fils. Si elle le voulait, elle pourrait lui crier des insultes, et il ne se lèverait pas cette fois, avec son poing brulant, avec sa hargne violente. Mais elle le laisse tranquille, elle le couve du regard, tendrement. Elle a aimé cet homme, si fort parfois, aussi fort que quand elle a rentré l’arme dans son cœur. Elle l’a admiré, elle l’a chéri. Et aujourd’hui encore, alors qu’elle lui a pris sa vie, son regard brille d’amour pour lui.
Mais elle a eu deux amours dans sa vie, son mari, et son fils. Et quand son mari rentrait le soir, puant l’alcool et les bars louches, et qu’il portait la main sur elle, mais surtout, sur son fils, sur son petit garçon fragile, alors un amour a été plus fort que l’autre.
Maintenant, elle n’y pense plus, elle est apaisée. Elle peut aimer les deux hommes de sa vie, sans avoir peur que l’un fasse du mal à l’autre.
Mais il faut qu’elle se relève, qu’elle cache le corps, la couverture, qu’elle jette le couteau.
Et puis après, elle ira chercher son fils à l’école, et elle lui dira qu’il n’a plus à avoir peur, que maman le protège des méchants.

Apaisée 21/22 23/05/2008 à 22:26
J'aime beaucoup! comme tous tes textes en générale lol
Coeur
Apaisée 22/22 23/05/2008 à 22:27
Oh merci ! Je commence à avoir des lecteurs habitués, ça me fait super plaisir !
Smile
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