Le bonheur des uns, le malheur des autres ...

Alhambra

Le bonheur des uns, le malheur des autres ...

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02/11/08 à 18:55

[ Un deuxième petit texte pour aujourd'hui. J'ai du mal à avoir du recul sur celui-là, j'attends vos avis ]

« C’est ma sœur Sidonie qui a commencé.
Elle m’a crié dessus, elle m’a insultée. Je ne suis pas une machine, et j’ai juste pas pu le supporter. Je veux dire, elle se prend pour qui ? Donc voilà, on a commencé à se battre, je lui ai tiré les cheveux, elle m’a mordue. Bon, c’était rien de spécial.
Et puis mon frère Bastien est arrivé, il a voulu nous séparer. Et je sais pas, ça doit être un coup mal parti, mais dans l’action, il s’est pris une baffe de Sidonie. Il a pas apprécié non plus. On est des susceptibles dans la famille. Donc enfin, il a riposté quoi, il a rendu la baffe. Et puis moi, j’avais pas vu le mauvais coup, et ça m’a énervé qu’il s’interpose, donc je l’ai frappé aussi. C’était un de ces méli-mélo, on ne savait plus qui était avec qui, on frappait dans le vide et puis si y’avait une joue qui passait, elle se prenait une claque ou un coup de pied. Puis là … là j’ai vu du sang sur mes mains, et c’est qu’en fait Sidonie avait prit un coup dans les dents et saignait. Bastien m’a engueulée, comme si c’était forcément moi, et j’étais dans un tel, tel état de rage, je l’ai frappé en plein visage avec mon pied. C’était pas très fair-play. Mais je me disais qu’il le méritait.
-Et maintenant ?
-Maintenant j’en sais rien. Je ne me dis plus rien. Je me dis que ce n’était pas moi, que ce n’était pas nous, ni moi, ni ma sœur, ni mon frère. C’étaient des étrangers, qui nous ressemblaient beaucoup.
-Pourtant c’était vous.
-Je ne veux pas y penser. »
Elle tourna la tête un instant, sans doute pour empêcher une larme de couler. Ça aurait entrainé du mascara avec. Elle était outrageusement maquillée. C’en était ridicule.
Puis elle me regarda à nouveau et en essayant de maitriser son sourire, elle continua :
« Donc voilà, je lui ai donné un coup de pied dans la tête, et sous le choc, je pense, il s’est retrouvé sur le sol. Et là Sidonie m’a poussée, m’a criblée de coup de poings, je saignais de la bouche, je saignais du nez, et je n’ai plus rien calculé. Si c’était elle, si c’était lui, s’ils allaient mal. Je n’ai plus rien su à partir de ce moment-là. J’avais mal, j’étais en colère, et je frappais, je frappais à tout va.
-ça vous arrivait souvent ? De telles bagarres ?
-Non, jamais. Et donc bon, je frappais très fort, partout, dans tout ce que mes poings et mes pieds rencontraient. »
Elle avait un tel besoin de raconter, c’était fascinant. Je me tus jusqu’à la fin de son récit. Mais je n’écoutais pas trop. Des histoires de bagarre, des coups, des pleurs, du sang. Banal. Quoiqu’entre frères et sœurs, adultes qui plus est, c’est plus rare. Elle arriva à la fin de son histoire.
« Et c’est là, c’est là que j’ai vu … Qu’on a vu que … Sidonie était morte. Morte ! Bastien l’a vue en même temps que moi, il est allé calmement dans la cuisine, il a pris un couteau et il a … il s’est suicidé. »
Quel drame !
« D’accord ... Ecoutez mademoiselle, je pense qu’on ne va pas aller plus loin aujourd’hui, c’est déjà quelque chose d’arriver à en parler. Qu’en pensez-vous ?
-Oui, je vais … je vais rentrer chez moi me reposer. »
Je la remerciai puis je l’accompagnai à la sortie :
« On se voit la semaine prochaine. Si quelque chose va mal, appelez moi, n’oubliez pas, je suis votre psychologue maintenant, je suis là pour ça. »
Je lui souris gentiment et refermai la porte. Elle pleurait maintenant, son maquillage coulait.
Quel drame !
La journée commençait bien ! Le psychologue qui partage mon cabinet remarqua ma bonne humeur et me lança :
« Et ben, quel sourire ! Qu’est ce qui te rend si heureuse ?
-Oh rien, c’est mon meilleur dossier depuis des mois !
-Ah, comme quoi, il suffit d’un tout petit rien pour avoir le moral !
-Tu l’as dit ! »
Un tout petit rien.