Bourreau. (nouvelle)

Alhambra

Bourreau. (nouvelle)

19

30/09/08 à 21:38

[ Huum bon, je ne sais pas si ce texte sera bien compris comme je le souhaite. J'essaye d'aborder quelque chose d'une manière différente. Mais j'ai peut-être était trop implicite et ce n'est peut-être pas assez clair pour quelqu'un d'autre que moi. A vous de me le dire . ]

Jazz. Je danse, et je m’en fiche. Virevolte. Lance, un bras, une jambe. Et j’ai les yeux fermés, tu vois, je ne cherche pas ton regard, je ne cherche pas à vérifier que tu me vois. Je vibre, et tourne. Pulsions. Sensations. Mais quand même, tu me vois, je sens sur mon corps, sur mes courbes en mouvement, un peu trop dénudées, je sens la brûlure délicieuse de ton désir.
« Arrête ça. »
Non. Non, je n’arrête pas. Je vis, je sens que je vis. Je n’arrête pas, je n’arrête même pas du tout. Je continue, plus fort encore. Et mon bassin se cambre, encore, à la mesure des notes, à la mesure de ton exaspération. Je suis vivante, terriblement vibrante et rien ne pourra m’arrêter. Peut-être même pas toi. Pas cette fois.
La musique non plus, ne me fait pas peur. Elle essaie de me piéger à chaque instant. Change de rythme. S’accélère. Ralentit. Evolue, sans cesse, toujours plus belle dans son intensité. Plus intense dans sa beauté. Tant qu’il y aura de la musique, il y aura mon corps, mes déhanchés. Je me sens capable. Enfin. Capable de ne jamais m’arrêter. Danser, à tout jamais. Tu peux partir, ne plus me regarder, je danse. Et j’existe.
« Arrête ça, j’te dis ! »
Non, je ne peux plus ! Je ne t’entends presque plus, je ne t’écoute pas. Je suis ailleurs, ce n’est pas moi. Mon corps n’est plus un tout, je suis disloquée, chaque membre n’en fait qu’à sa tête, tourne, saute, se lance, s’ondule. Ne vois-tu pas que ce n’est plus moi ? C’est quelqu’un de neuf, quelqu’un qui existe vraiment. Qui a une vraie présence. Enfin !
Pourquoi refuses-tu d’exister ?
« Tu vas arrêter, salope ? »

La musique s’arrête. Tu t’es levé. Tu me regardes avec ces yeux terribles. Tu me hais, je le sais. Je le sens. La nouvelle brûlure de ton regard fait mal, terriblement. Ce n’est pas la première fois que tu me jettes ce regard, ce mépris à la figure. Je ne serai jamais bien avec toi, jamais moi, les autres m’avaient prévenue. Mais je n’y peux rien, je ne me choisis pas, avec toi. Si je n’arrête pas, ta main va se lever. Comme d’habitude.
J’étais toute puissante, c’était trop beau. Maintenant, une larme roule sur ma joue. Pourquoi est-ce si dur, de t’aimer, et d’exister en même temps ?
Je me laisse tomber sur le sol. Je n’existe plus du tout, c’est pathétique. Je suis à toi. Un corps. Une chair. Comme d’habitude.
Bourreau. Je suis à toi.