La leçon de maman (texte)

Alhambra

La leçon de maman (texte)

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19/02/08 à 17:48

Il y a trois ans que ma mère est morte. J’aimais ma mère comme un fou. En plus du culte presque religieux que je lui vouais, un amour, un attachement insensé me liait à elle. Je l’aimais bien sûr comme il est normal d’aimer sa mère, mais je l’aimais aussi car elle me ressemblait, et m’avait toujours compris.
Quand la maladie a commencé à la ronger, il y a 10 ans, et quand on a compris que ce serait irrémédiable, j’étais encore petit garçon. Je ne comprenais pas trop ce qui arrivait à ma mère, et je ne réalisais pas qu’il arriverait un jour où je ne la verrais plus. Plus jamais.
Mais ce jour a fini par arriver, il y a exactement trois ans de cela. J’étais là. C’est moi qui ai fermé ses yeux, moi qui ai écouté ses derniers mots.
Ma mère n’a pas parlé d’elle. Ses derniers mots furent pour la vie. Elle me souhaitait d’avoir la chance de vivre, et de saisir cette chance.
« J’espère que tu prendras le temps de vivre comme il faut. Je te souhaite de lire des livres à l’écriture fougueuse, d’écouter des musiques magnifiques qu’aucun mot ne peut décrire, de courir sur des montagnes et d’avoir peur de mourir de froid. Je te souhaite de voir des paysages merveilleux qui donnent envie d’être serrés dans nos bras, je te souhaite d’aimer. Une femme, un homme, des enfants, peu importe, mais d’aimer. J’espère que tu remarqueras toujours les arbres, les feuilles, l’herbe. J’espère que jamais de ta vie tu n’oublieras leur présence. Je te souhaite de boire, de manger, de respirer, d’avoir chaud, d’avoir froid. Je te souhaite de vivre chaque sentiment, chaque émotion à l’extrême. J’espère que tu ne penseras pas trop à l’argent, mais que tu penseras à des choses réelles, des choses qui ne sortent pas d’une imprimante. Remplace les billets par des feuilles d’arbre mon fils, remplace les billets par des feuilles d’arbre … »
Elle est morte, sur ces mots bien à elle, que je n’aurais pas écoutés s’ils étaient venus de quelqu’un d’autre.
Je n’ai jamais pleuré ma mère. Elle a magnifiquement bien vécu et a été aimée comme personne. Depuis, je vis ma vie, je vis la Vie. Je vis tant que je le peux. C’est ce qu’elle m’a demandé, alors je me dois de le faire. Je vis chaque jour, à en mourir.