Cécile (nouvelle)

Alhambra

Cécile (nouvelle)

26

20/10/07 à 14:13

La cuisine était éteinte. Et assise sur une chaise, Cécile buvait son cinquième café, une cigarette à la main, ses longs cheveux bruns filasses lui tombant devant les yeux. Dans le noir.
Il restait deux cigarettes dans son paquet. Deux cigarettes alors que quand elle était entrée dans cette cuisine, le paquet était plein.
Louise entra, la dévisagea d’un air désespéramment triste et alluma la lumière.
« Ecoute Cécile …
-Nan tais-toi ! Tu comprends pas. »
Cécile baissa les yeux un instant, puis, défiant Louise du regard, elle ajouta :
« T'as jamais rien compris. »
Louise soupira et se contenta de répondre :
« Arrête de fumer.
-Ta gueule !
-T’es chez moi Cécile, et je te demande d’arrêter de fumer. »
C’était un affront. Cécile s’était installée chez Louise trois mois auparavant et Louise lui avait dit qu’elle pouvait s’y sentir chez elle, qu’elle y était chez elle.
D’un air de profond mépris, Cécile la regarda, but la dernière gorgée de son café, secoua la tête et sortit de l’appartement.
« Nan Cécile, reviens ! »
Mais c’était trop tard. Elle se précipita à la fenêtre pour voir Cécile sur le trottoir, ses longs cheveux noirs virevoltant derrière elle, une énième cigarette à la main.
Louise se laissa tomber sur un fauteuil « Et merde … ».
Puis les souvenirs revinrent. Les images dansèrent devant ses yeux.
Tout comme Cécile avait dansé ce samedi soir-là.
La première chose que Louise avait aimé chez elle était ses cheveux, lisses et tellement longs, qui lui collaient à son corps suant. Puis elle avait vu sa bouche, ses yeux qui semblaient l’appeler à danser avec elle. Elles s’étaient aimées presque tout de suite. Louise ne s’était même pas dit qu’elle avait toujours été hétéro, Cécile lui était apparue comme une évidence, même avec son caractère capricieux, ses exigences, sa méchanceté parfois.
Louise s’était collée à elle, elles avaient dansé, corps contre corps. Elle n’avait jamais rien vécu d’aussi sensuel. Que ce soit avec une fille ou non. Cécile, elle, avait l’expérience. Cécile avait toujours déjà tout fait.
Elles avaient vécu toutes les deux des mois et des mois d’amour, de sorties, de rires, de tendresse.
Louise ne s’était même pas souciée de ce que ses proches allaient penser de sa liaison avec une autre fille. Elle s’en foutait. Cécile était tellement géniale, elle lui avait fait découvrir tellement de choses, elle avait toujours une réaction, une idée sur tout.
Louise soupira, affalée sur son vieux fauteuil marron. Fauteuil où elle avait fait l’amour avec Cécile pour la première fois, puis tellement de fois encore. Chaque objet la lui rappelait.
Alors, seule et d’une voix désespérée, elle hurla de toute ses forces « Cécile ! », dans la noire pénombre de son appartement.