Commentaire "Napoléon III" Victor Hugo |
3/8 |
10/05/2007 à 18:13 |
mon ancien devoir ^^
bonne lecture
Texte support de Victor Hugo n°13
« Fable ou histoire »
Introduction Ø Le plus grand ouvrage satirique du XIXe siècle compte plus de six mille vers. Cette grandiose partition prend forme en un an, hors de France, à partir du coup d’état du 2 décembre 1851. Hugo réagit d’abord directement dans Histoire d’un crime, ensuite dans Napoléon le Petit, puis il conçoit un ouvrage aux ambitions plus vastes qui mêle pièces courtes et mordantes, discours prophétiques, chansons, fables, dans une extraordinaire liberté de ton : il s’agit des Châtiment.
Comme dans les Contemplations, Hugo truque les dates pour que certains poèmes soient lus comme de sinistres anniversaires ou des coups de colère.
La construction du recueil est rigoureuse : sept livres qu’encadrent deux poèmes « Nox » et « Lux », le Crime et la Liberté, résumant par leur antithèse tout le parcours du recueil – de l’ombre à la lumière, de la chute à la rédemption.
En 1870, Hugo ajoutera cette pièce préliminaire intitulée « Au moment de rentrer en France », datée du 31 août : Les Châtiments sont bien le récit d’un exil. Les titres-phrases des six parties sont ironiques, ils dénoncent une véritable perversion historique. Parodiant un discours de Louis Bonaparte, l’auteur proclame que :
I. « La société est sauvée »
II. « L’ordre est rétabli »
III. « La famille est restaurée »
IV. « La religion est glorifiée »
V. « L’autorité est sacrée »
VI. « La stabilité est sauvée »*
pour mieux faire ressentir l’hypocrisie, le crime et le cynisme que ces valeurs officielles masquent. Le dernier livre s’intitule « Les sauveurs se sauveront » et introduit le thème de la rédemption, après l’expiation.
Ø « Fable ou Histoire » appartient au livre III. Ecrite en novembre 1852, la pièce est datée de décembre pour résonner comme une fable sur Napoléon. Elle suit le cri furieux « L’homme a ri ». En découvrant le pamphlet Hugolien, Napoléon le petit, ( l’empereur ) aurait pris le livre et ironisé : « Voyez, messieurs, voici Napoléon-le-Petit, par Victor Hugo-le-Grand ». Le poète furieux contre-attaque dans sa courte pièce : « Je tiens le fer rouge et vois ta chair fumer ». Hugo bourreau va effectivement brûler jusqu’au sang l’empereur dans le poème suivant, « Fable ou Histoire », pour le montrer au grand jour comme usurpateur. Il utilise la fable, genre mineur, pour s’attaquer à la tête de l’état et ébranler sa légitimité.
Ø Enjeu du texte : la fable comme arme politique et comme leçon d’histoire
Ø Ce poème met en œuvre un genre que Victor Hugo pratique rarement : la fable ( c’est en effet le seul exemple de fable présent dans la première édition du recueil ; dans l’édition de 1870, Hugo en ajoutera une autre : « Les Trois chevaux », VI, 16 ).
Conformément au genre de la fable, Victor Hugo met ici en scène des animaux, qui symbolisent chacun un caractère humain, traditionnellement convenu et stéréotypé. Tout en s’inspirant des Fables de la Fontaine, il donne à ce poème une dimension polémique que n’avaient par les textes du fabuliste du XVIIe siècle : contrairement à ce dernier, Hugo ne cherche pas ici à illustrer un précepte, mais à déstabiliser un adversaire particulier. En comparant Louis-Napoléon à un singe, il montre une nouvelle fois ( après « Nox » III 1 et 2 ) que ce dernier n’est qu’une caricature de Napoléon Ier.
I- Les éléments de la fable
Par l’intrigue qu’il met en scène, par son style et sa composition, ce poème fait de multiples emprunts aux Fables de La Fontaine.
A- L’intrigue
Pour brosser ce portrait satirique, Hugo reprend l’intrigue d’une Fable de la Fontaine : « L’âne vêtu de la peau du lion » (V, 21), qui commence par ces quatre premiers vers :
« De la peau du lion l'âne s'étant vêtu,
Était craint partout à la ronde;
Et bien qu'animal sans vertu,
Il faisait trembler tout le monde. »
Au personnage de l’âne, il substitue le singe, animal également familier de la Fontaine ( il apparaît à 7 reprises dans un titre de fable, notamment en compagnie d’un léopard qui vante sa propre peau IX, 3), tandis qu’il remplace la peau du lion par celle du tigre. Cet animal, en revanche, peu utilisé par la Fontaine, joue, quand il est présent ( par exemple, dans les « Animaux malades de la peste », VII 1 ), le rôle secondaire d’un courtisan, certes de haut rang, mais sujet, parmi d’autres, du roi Lion :
« On osa trop s’approfondir
Du tigre, ni de l’ours, ni des autres puissances … »
Avec le personnage du tigre, Victor Hugo choisit ainsi le symbole d’un pouvoir subalterne ( = Qui est sous la dépendance d'un autre, subordonné, inférieur ), susceptible cependant de nuire ou de terroriser.
B- Le style
Il rappelle la liberté de ton et d’allure du fabuliste :
▪ dans les variations de rythme ( entre les vers 2 et 3, 5 et 6 par exemple ),
▪ dans l’usage habile de certains procédés de versification ( contre-rejet du vers 5 : « je suis » qui met en évidence la fatuité ( = sottise accompagnée d'une bonne opinion de soi-même ) du personnage ),
▪ dans certaines tournures qui sont comme des clins d’œil adressés à l’illustre prédécesseur Napoléon Ier ( l’antéposition archaïsante de l’adjectif « royal appétit » v.1 ),
▪ et dans la façon de jouer subtilement avec le sens des mots, pour mieux mêler hommes et animaux ( l’antre entouré de carnage v.11 ( = Massacre, tuerie ) se transforme en caverne « pleine d’ossements » v.14 ).
C- Le récit
Le récit, que le complément de temps « un jour » situe dans un passé indéterminé, non historique, est caractérisé, comme chez La Fontaine, par sa concision.
L’intrigue se noue rapidement : 3 vers suffisent à évoquer
▫ le caractère « atroce » v.3 du personnage,
▫ les mobiles de ses actes ( « un royal appétit » v.1 ),
▫ les moyens utilisés ( « une peau de tigre se vêtit » v.2 ),
même fait alterner l’enchaînement rapide d’actions brèves comme réduites à l’essentiel ( « il s’embusqua … entassa … égorgea … dévasta » v.9 ), et les discours qui éclairent ces actions et trahissent leur auteur.
Le singe y expose avec suffisance ses prétentions : il se met en avant ( « je suis le vainqueur … le roi sombre des nuits … » v.6 ) et fanfaronne : « devant moi, tout recule » v.15.
L’anaphore de « tout » v.15 traduit d’ailleurs une sorte de griserie, d’autosuggestion béate ( = bienheureux, serein, satisfait, qui a été béatifié par l'Eglise ) qui pourrait paraître ridicule si elle n’était pas redoutable.
Le décor lui-même est réduit à quelques éléments ( les halliers, les épines, l’antre et le carnage ) qui évoquent le brigandage et la cruauté.
D- La chute de la fable
Le poème de Hugo ne sert pas à illustrer un précepte d’ordre général. Il aboutit cependant, tout comme les Fables de La Fontaine, à une chute qui livre le sens de l’apologue ( v.19-20 ) : le déguisement du singe ne trompe que ses semblables ; il n’échappe pas une seconde au spécialiste des fauves qu’est le dompteur.
Hugo a d'ailleurs retranscrit cette fable à l'appui du Loup devenu berger de La Fontaine, dont la morale tient au même but :
« toujours par quelque endroit le fourbe se laisse prendre »
II- L’histoire
Comme l’indique le titre du poème « Fable ou histoire », Hugo ne se sert du genre de la fable que pour éclairer l’histoire réelle.
A- Le choix des animaux
L’animal choisi pour représenter Louis-Napoléon, le singe, le désigne comme le pâle imitateur de son oncle : son début de règne tient de la mascarade ( image récurrente de l’œuvre ) ( = déguisement ridicule, troupe de gens déguisés et masqués, caricature, apparence trompeuse ). Le tigre, qui remplace le lion pour constituer son déguisement, permet à Hugo d’évoquer une cruauté sans grandeur.
La fable nous peint ainsi, en une sorte de description hallucinée, un monarque sadique qui tient à la fois du vampire et du cannibale : meurtres, égorgements, carnage, ossements manifestent une frénésie destructrice, elle-même liée à une soif insatiable de pouvoir.
Þ Telle est l’image du Prince que Victor Hugo veut léguer à l’histoire.
B- Le coup d’état
Même si elle n’est pas aussi nette que dans d’autres poèmes,
▪ l’allusion au coup d’état est ici bien présente : v.7 : « il s’embusqua, brigand des bois dans les épines »
▪ de même que ses conséquences : ▫ v.9 la répression du 4 décembre : « égorgea les passants »
▫ l’exil des opposants ( « tout émigre » v.15 )
L’anaphore « tout » v.15-16 contribue à donner au personnage les traits de la cruauté furieuse et démesurée, capable d’engendrer la panique. Le paradoxe de ce pouvoir, à la fois craint ( pour sa police ) et révéré ( du fait du nom glorieux de Napoléon ) est également souligné au v.17 : « les bêtes l’admiraient et fuyaient à rands pas ».
C- L’intervention du poète
Ce n’est pas la première fois que le poète se met lui-même en scène comme un « belluaire » [ cf. « L’obéissance passive » ( II, 7, VIII ) ]. Comme dans ce précédent poème, il semble surgir du néant, se dresser spontanément face au mystificateur pour mettre fin à la supercherie tragique. Mais alors que dans « L’obéissance passive », Hugo parle d’écraser « du pied l’antre et la bête fauve / L’empire et l’empereur ! », dans la fable, le belluaire se contente de ridiculiser le « vainqueur ». A la violence, il oppose la puissance du verbe à la forme restrictive « tu n’es qu’un singe » v.20
Þ L’apologue sape les bases du pouvoir du prince en le mettant symboliquement à nu.
Conclusion Ø Ce poème manifeste la volonté de l’auteur d’apporter une diversité formelle au recueil des Châtiments. Par ce pastiche d’une Fable de la fontaine, il réalise l’objectif qu’annonçait le poème précédent ( « L’homme a ri » ) : mettre un « écriteau » sur le front de Louis-Napoléon, révélant à la foule sa nature véritable.
Ø Ouverture : Par ailleurs, Victor Hugo reprendra ce thème du singe dans « l’expiation », long poème épique où il tire toutes les conséquences de l’imitation de Napoléon Ier par son neveu.
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Texte support de Victor Hugo n°13
« Fable ou histoire »
Introduction Ø Certains critiques ont vu en ce texte une imitation de la fable 3 du livre III des fables de la fontaine intitulée « le loup devenu berger », qui se termine sur une morale qui pouvant penser à celle de notre poème :
« toujours par quelque endroit le fourbe se laisse prendre »
Effectivement, ce poème peut-être lu comme un apologue : au delà de la fable plaisante, il y a une véritable leçon qui est donnée
Ø Problématique : l'écriture du pastiche et de l'apologue au service de la satire
I- La fable: le masque
A noter : ▪ définition de l'apologue
▪ certains critiques ont vu dans cette fable une petite pièce ( au sens théâtral ), dans la mesure où des personnages agissent et parlent ( théâtralisation du récit ).
En outre, la problématique du masque et de la sincérité, développée ici, est propre au théâtre…
A- Les actions
▪ v.1 et 2 : introductifs → "un jour" fait penser au conte pour présenter l'histoire (passé indéterminé, non historique )
▪ v. 7,8,9 : verbes au passé simple en enchaînement → l'accumulation rend vivace le récit
▪ alternance de l’enchaînement rapide d’actions brèves comme réduites à l’essentiel, et les discours qui éclairent ces actions et trahissent leur auteur
▪ v.1,15,18,19 : verbes de mouvement → puissants par une violence de gestes : v 19
▪ v.15,16 : verbes de sensation active
B- Les propos
▪ v.4 → opposition entre "droit" et "féroce" mise en relief par l'aspect de paroles rapportées du fabuliste
▪ v.5,6 : "crier", "vainqueur", "roi"→ les paroles au style direct sonnent bizarrement par le désir manifeste de s'imposer → caractère du type
A noter : l'article défini "le" v.3 singularise l'individu et le met sur un piédestal provocant sa glorification
Mais l' expression "grincer des dents" v.5 renvoie à la férocité
Cf. d'ailleurs v.13 "affreux rugissements" ou v.14 "ossements" qui illustrent une boucherie héroïque
Le simple désir de régner apparaît donc, au travers des actions et des paroles de l'animal comme une volonté absolue de tyrannise les autres bêtes.
▪ v.20 au 2e hémistiche → les propos du belluaire sont mis en relief par la tournure restrictive qui est dépréciative
Transition Ø la fin de ce poème appelle donc une interprétation au-delà de la simple fable. On a une réelle argumentation indirecte qui vise à dénonce la mascarade ( = Déguisement ridicule.• Troupe de gens déguisés et masqués.• Caricature, apparence trompeuse )
II- Une leçon morale
A- Le titre
La conjonction « ou » annonce une ambivalence → quel intérêt, en effet, aurait Victor Hugo a rajouté l’expression « ou histoire » s’il n’avait voulu jouer que sur le double sens de l’histoire dans la fable ?
Þ Le récit merveilleux n’est qu’un masque pour parler de la triste réalité.
B- La fable
1- v.1 et 2
l’adjectif « royal » fait allusion à la figure du monarque qui, normalement, est représenté par n lion.
Or, le singe emprunte la peau d’un tigre → l’image du monarque prend donc les caractères de férocité ( tigre ) et de traîtrise ( singe ).
Cela rappelle une fable de la fontaine : « l’âne vêtu de la peau du lion »
2- v.6 et 7
le mot « roi » qui apparaît dans la bouche de l’animal, sonne comme une supercherie renforcée par les champs lexicaux de l’ombre ( « sombre », « nuit », « bois » ) et de la mort ( « épines », « égorgea », « terreur », « meurtre » ).
Le jeu de mots entre les « halliers » ( qui sont des buissons épais ) et les Alliés vaincus de bonne guerre par le Grand Napoléon ( Napoléon Ier, oncle de Napoléon III qui lui est une fade copie )
Þ la soi-disant valeur guerrière de Napoléon III est dépréciée et même ridiculisée.
Cf. dans le même sens que le vers suivant : « brigand des bois »
3- v.12
grâce au mot « personnage », le fabuliste dénonce directement là encore la comédie tragique et sinistre ( = Qui fait craindre des malheurs.• D'un aspect inquiétant.• Ennuyeux, triste, lugubre ) .
Il renchérit cette accusation avec deux hyperboles v.13 et 14 : « affreux rugissements » et « pleine d’ossements »
C- L'issue : v.19-20
▪ la dénonciation se poursuit au travers de la comparaison « comme »
▪ le « on » généralise l’anecdote : on approche de la morale
▪ la redondance « déchira », « déchire » sinistre sur la chute du masque ; la vérité éclate au grand jour avec le réel aspect de la pauvreté morale représenté par l’objet du « linge »
▪ v.20 : la dénonciation s'achève de manière ironique et cynique que met en relief par le démonstratif "ce" et par la tournure restrictive d'attaquant à un personnage donné
Conclusion Ø Même si ce texte ne s'accompagne pas d'une morale isolée en fin de poème comme on le trouve chez la Fontaine, on a ici, un apologue qui dénonce la tyrannie de l'empereur.
Ø Ouverture : d'ailleurs, notre texte est précédé d'un poème très célèbre « L’homme a ri » qui inflige verbalement un châtiment tel ç l'empereur que notre fable ne peut pas être u simple jeu
Chevillé à l'histoire, la fable se politise.
____________ Autres pistes ________________________________________________________________________________________________
I- La part de tradition dans cette fable : un pastiche réussi, appliqué de La Fontaine :
▪ animalité et humanité, le discours et les « rugissements », le « grincement des dents », « l’antre entouré de carnage » ( la cour )
▪ vivacité du récit → ▫ introduction et situation initiale ( 2 vers )
▫ modification et transformations (en deux phases : « il se mit ... qui le couvrait » // » Il vivait ... à grands pas » )
▫ renversement brutal et rapide ( trois derniers vers ) après le discours du fanfaron
▪ morale incluse dans le récit et le discours : réussite devant les « bêtes » et échec devant le « belluaire »
▪ à rapprocher de deux fables de la Fontaine :
"Le Loup devenu berger " ( III, 3 )
"L'Âne vêtu de la peau du Lion" ( V, 21 )
Transition Ø Même si la morale générale, la tromperie toujours mise à jour, ( cf. La Fontaine III, 3 ) est toujours là, Hugo utilise la fable à des fins bien plus précises, pour condamner tout un régime fondé sur l'usurpation et le crime.
II- Une satire acerbe de la situation politique :
▪ les hyperboles dans le récit des exactions, les enjambements ( v. 7,8,9,10 )
le verbe « émigre », le comportement de soumission des « bêtes »,
▪ le choix du « singe », celui qui imite, qui « singe » son prédécesseur
▫ les origines : « maigre // royal appétit » ( cf. situation personnelle de LNB avant de devenir président et empereur )
▫ les périphrases où il s’auto-désigne ( astuce d’énonciation, condamnation par le personnage lui-même) : « vainqueur des halliers » ( peut-être jeu de mots « halliers » // alliés, vaincus par son oncle ), « roi sombre des nuits » (cf I, 5, « Cette nuit-là » )
▪ le thème de la peau et du personnage :
▫ travestissement : se vêtit, endossé, voyant la peau, croyait au personnage (cf Napoléon le Petit)
▫ dissimulation, usurpation et crime : s'embusqua, brigand des bois (cf coup d'état)
Transition Ø Si la fable fait la satire de l'usurpation, des fanfaronnades de l'imposteur et condamne ses crimes, elle prend aussi une valeur symbolique en définissant la fonction de la parole poétique.
III- Fonction prophétique, politique de la parole poétique :
▪ une mise en scène, le seul homme ( le poète ) dans cet univers de bêtes, le thème du belluaire (cf fin de II, 7)
▪ la « mise à nu » de la vérité ( étude précise des trois derniers vers )
▪ le choix révélateur des temps ( du passé simple, temps révolu de la tromperie au présent de la révélation )
▪ le sens du titre ( n'est-ce qu'une fable ou est-ce l'histoire en marche dans laquelle le poète a sa part ? )
Conclusion Ø Le poète est donc bien selon Hugo, celui qui, par ses fables, par son Verbe, peut faire l'histoire, corriger l'histoire.
Ø Ouverture : Hugo, dans l'édition de 1870, rajoutera une autre fable : Les Trois Chevaux où par la bouche des chevaux s'expriment les profiteurs alliés aux bien pensants et le cri de souffrance de la misère.
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Texte support de Victor Hugo n°13
« Fable ou histoire »
Introduction Ø Extrait du livre III « La famille est restaurée » → Un exemple d’utilisation de l’ironie pour exercer la satire contre Napoléon.
ØRappel de ce qu'est une fable : petit récit en prose ou en vers destiné à illustrer un précepte ( cf. La Fontaine )
Ø Construction du poème : trois temps : ▪ les circonstances
▪ la narration des faits
▪ la conclusion de l'histoire ( la morale ).
Ø Axes de lecture :
I- Une histoire et une fable
II- La dénonciation morale
III- La dénonciation politique
I- Une histoire et une fable
A- Un récit avant tout
▪ la mise en place de la fiction : le principe du conte : « un jour » : il était une fois... qui situe l'action dans un passé indéterminé, non historique
▪ la vivacité du récit : ▫ emploi du passé simple : v.9 → enchaînement rapide d'actions brèves comme réduites à l'essentiel ▫ rythme rapide : v.8 → vivacité des actions
▫ parataxe ( = procédé qui consiste à juxtaposer les éléments d'une phrase, sans liaison explicite ) : v.15 → rupture et opposition ▫ emploi du style direct → pas d'interprétation de l'auteur qui rapporte les paroles spontanées du tigre ▫ phrases simples → style de la fable
B- La distance du narrateur
▪ la mise en scène d'animaux : un singe ( = malice ), un tigre ( traîtrise, ou symbole de la cruauté sans véritable grandeur ), les bêtes ( le peuple aveugle ). Le narrateur reste absent du récit : ce sont les autres personnages qui sont, seuls, mis en scène.
▪ champs lexicaux humains et animaliers mêlés : « se vêtit », « roi », « brigand »...,
mais « rugissements », « antre », « les bêtes »...
C- Un pastiche de La Fontaine
▪ Référence numérique au livre III, fable 3 : « Le loup devenu berger ».
▪ Même trame générale ; même dénonciation de l'emploi du masque. Quelques différences notables, toutefois, qui apparaîtront au cours de la deuxième partie de l'explication.
II- La dénonciation morale
A- Thème de la méchanceté
▪ Termes violents et abondants : « atroce », « féroce », « grincer des dents », « meurtre », « rapines », « égorger », « carnage »...
▪ Vue et ouïe sollicitées.
▪ Allitérations et assonances, pour mieux montrer la terreur qu’il répand : exemple : « r » et « i » au vers 15.
Conséquence → imparfaits itératifs du vers 17.
B- Thème du masque
▪ opposition entre la méchanceté naturelle ( celle du tigre ) et la méchanceté volontaire ( celle du singe ), qualifiée ici d’ « atroce ».
▪ importance du champ lexical du théâtre : se vêtir ; endosser ; croire.
▪ zeugma ( = figure de style qui consite, pour éviter de répéter un terme, à lui donner plusieurs compléments de nature différente et renvoyant à des sens eux-mêmes différents de ce mot ) : endosser un vêtement → ici : « endossé le droit » → effet recherché d'ironie.
▪ évocation supplémentaire du masque par l'image de l'antre ( un endroit où on se cache, où le singe cache sa faiblesse naturelle ).
▪ union des thèmes du masque et de l'atrocité par l'asyndète ( = absence volontaire d'éléments de liaisons entre des mots → effet d'ellipse )
C- La dénonciation de l'imposture
▪ effet saisissant des trois derniers vers : « se vêtit » → « mit à nu »
▪ opposition entre la position de sujet du singe dans la majorité du poème, et sa position d'objet ( donc objet de violence ) dans la fin du poème.
▪ le singe, sans défense, est pris dans les bras, comme un bébé → Valeur péjorative ( origine latine ) du démonstratif dans le dernier vers : « ce vainqueur », explicitée par le « ne... que » = tournure restrictive visant à le déprécier.
III- La dénonciation politique
A- L'accusation
▪ accusation claire des prétentions de Napoléon III dès le premier vers : « royal », « vainqueur », « le roi ».
▪ accusation précise contre les atrocités commises contre le peuple ( fusilladesv.9 → allusion à la violence du coup d'état; déportations v.15 → exil des opposants ; censure 17 )
▪ opposition entre Napoléon Ier et son neveu, qui porte son nom ( son apparence ), sans en avoir l'éclat : v.4 « endosser le droit » → allusion possible au symbolisme de la date du 2 décembre : choisir cette date ne signifie pas qu'on va se montrer aussi éclatant que son prédécesseur.
B- Rôle du poète
▪ Il apparaît ici, sous les traits du belluaire ( gladiateur qui devait lutter contre des animaux sauvages, sans grande chance, par conséquent, d'être vainqueur dans la lutte ). Le belluaire est ici seul, mais son rôle est renforcé par l'emploi de la diérèse ( 4 syllabes pour le mot ).
▪ Le poète a pour mission de réveiller les consciences, de dénoncer ce qui doit l'être.
Mais il reste discret : il n'est qu'un messager d'une parole divine, toute-puissante.
Ce n'est pas Hugo qui a raison, mais Dieu qui parle à travers lui ( d'où la discrétion de sa présence dans le poème ).
Conclusion Ø Un poème qui utilise le rire ( ou au moins le sourire ), contrairement à d'autres qui utilisent le ton pathétique pour émouvoir le lecteur. Mais la dénonciation reste très claire et le ton réel est tout aussi indigné.
Ø Ouverture : la fable chevillée à l'histoire politique → Un poème qui se veut prophétique : annonce de la chute de l'Empire.