Bonjour.
Je m'essaye aux titres racoleurs, on verra si ça change quelque chose.
C'est un one-shot pour une fois. Le poème intercalé ("The square root of a three") n'est pas de moi mais d'un illustre inconnu nommé David Feinberg. Pour ceux d'entre vous qui ne parlent pas l'anglais, je posterai une traduction sur ce topic quand je l'aurai finie.
J'ai essayé pas mal de trucs nouveaux dans ce texte, donc des avis sont encore plus souhaités et appréciés que d'habitude.
Merci d'avance.
Bonne lecture.
Plus petit que trois.
I fear that I will always be,
A lonely number like root three.
Pendant mes navettes, je regarde le paysage défiler par les fenêtres du train. J’aime bien la sensation de la vitre froide contre ma joue. Les matins d’hiver, quand le soleil se lève tard, je peux y contempler mon reflet. L’horizon est un long fil que je vois se dérouler derrière mon front transparent. « Mes pensées défilent ». C’est une métaphore éphémère, complexe, qui ne peut se voir que du point de vue de celui qui en fait partie. On ne peut pas capturer tout ça dans une photo, ou même en filmant.
J’aime trouver la poésie et le romantisme dans ma vie. Tout est plus supportable si on peut le raconter de manière à ce que ça semble beau. La mélancolie devient passionnante et le découragement, héroïque.
The three is all that’s good and right,
Je me suis inscrite en Polytechnique parce que c’était la seule branche où il fallait passer un examen d’entrée. J’avais besoin d’un rite de passage. J’espérais me sentir grandir.
Ma fin d’été, je l’ai passée plongée dans mes cahiers à démontrer des évidences, à me perdre dans des résolutions. J’ai été prise tour à tour par des accès de triomphe et de déprime.
Finalement, j’ai passé l’examen. Une épreuve de trois heures le matin, une autre l’après-midi et ce deux jours de suite. J’entrais dans les salles comme un gladiateur dans l’arène. J’en sortais en titubant, en hypoglycémie complète. Le jour de l’affichage des résultats, je me suis frayé un chemin vers le tableau en sanglotant.
J’avais réussi. Je ne me sentais pas plus âgée.
Why must my three keep out of sight,
Beneath the vicious square root sign ?
- En fait, programmer, c’est comme invoquer un démon.
Mon binôme se détourne de l’écran et me lance un bref regard.
- Comment ça ?
- Tu sais bien, j’explique en continuant à taper. Les démons ne sont pas dociles. S’il y a la moindre faille dans tes instructions, ils vont s’y engouffrer et faire autre chose que ce que tu voulais. Donc, les invocations que les magiciens ont développées au fil des années, c’est en fait des algorithmes conçus pour être sûr que le démon n’aura pas d’autres choix que d’obéir.
Mon partenaire m’interrompt en tapotant l’écran à l’endroit où j’ai fait une faute. Je fronçe les sourcils, puis finis par voir mon erreur et la corrige.
- Quel rapport avec Java ou la programmation ?
- C’est exactement comme la programmation ! L’ordinateur est mon démon. Invoquer, c’est programmer.
Il rit faiblement, un peu moqueur.
Peut-être que je devrais simplement garder tout ça pour moi.
Mon esprit dérive pendant le reste de la séance d’exercices.
Je pense qu’on est tous des magiciens ou que Dieu était un programmeur.
Je pense aux Golems qu’on façonne avec de l’argile, à qui on donne la vie en écrivant du bout du doigt « EMET » sur le front. Ils sont forts et légendaires, mais il suffit d’effacer le premier E pour les tuer. EMET signifie vie. MET, c’est la mort.
Je pense :
private static final int EMET = 1 ;
private static final int MET = 0 ;
while (int forehead != 0)
{
live() ;
}
Mais je ne le tape pas.
I wish instead I were a nine.
For nine could thwart this evil trick,
with just some quick arithmetic.
En novembre, j’ai croisé par hasard une de mes anciennes profs.
Elle me fait la bise, s’inquiète de mes études. Je n’ai pas le temps de commencer à lui expliquer mon anxiété vis-à-vis des examens qui approchent qu’elle rit et déclare :
- Je suis sûre que tu es toujours aussi brillante !
Je la regarde s’éloigner, la bouche entrouverte, penaude.
A l’école secondaire, j’étais la gamine qu’on a envie de gifler : celle qui déboule le jour d’un exposé sans aucune note et fait tout à l’esbrouffe en souriant, celle qui accumule les 18 autant que les avertissements disciplinaires. Ils me croient tous invincible.
Je ne le suis pas. Procrastination est mon second prénom ; je m’enfonce chaque jour un peu plus dans un cercle vicieux paniqué et idiot. Je ne vais pas réussir ces examens.
I know I’ll never see the sun, as 1.7321,
Ce n’est pas comme ça que je voulais mes études supérieures. J’espérais pouvoir passer mes journées à boire du café avec des gens intelligents, parler de fusion nucléaire et de la mort du soleil.
J’aurais voulu leur parler de livres, leur dire qu’un personnage est un espace vectoriel de dimension infinie, expliquer que la distribution aléatoire des nombres premiers c’est beau comme un poème en vers libres.
Mais les polytechniciens ne lisent pas, du moins pas ceux que je connais.
De mes études, je n’aime que les bouquins de sciences. Ils sont malins, charnus et réconfortants.
Les cours magistraux m’endorment. Les séances d’exercices me laissent perplexes : les résolutions me sautent aux yeux et je termine en une heure ce que j’aurais du faire en deux. Chez moi, trompée par cette impression de facilité, je ne revois rien. J’oublie encore plus vite que je n’intègre.
Such is my reality, a sad irrationality,
Dans le train, je peux estimer la dérivée seconde de sa position à chaque instant. Positive, puis nulle.
Puis négative. Et nulle à nouveau, égale à la dérivée première cette fois-ci. Position constante : nous sommes arrivés. La porte s’ouvre et une bouffée d’air glacial me saute en plein visage. Je descend d’un bond. Le train redémarre dans un vacarme violent.
Je songe à deux repères : un inertiel, j’en suis à l’origine. L’autre qui s’éloigne.
Je regarde les roues, je pense à la condition de roulement sans glissement.
Je fais mentalement le bilan des forces qui agissent sur le véhicule.
Etudier les sciences serait moins pénible s’il était possible de s’en reposer. Mais non, je ne peux pas. C’est comme si j’avais été daltonienne toute ma vie et que maintenant j’étais capable de voir les vraies couleurs. Les vraies couleurs m’éblouissent.
When hark! What is this I see,
Another square root of a three
A la maison, tu es là. Tu m’attendais. Je ne sais pas pourquoi tu es venu : je ne t’ai pas invité.
La dernière fois qu’on s’est vu, on pouvait encore s’imaginer n’importe quoi : la liberté, la passion d’apprendre, les horaires souples, les soirées.
Puis est venue la rentrée, avec elle l’angoisse, avec elle la nouveauté, avec elle la désillusion.
J’ai honte de ne pas pouvoir te dire que tout se passe bien. J’ai honte de ne pas pouvoir te dire que le changement me plait.
As quietly co-waltzing by,
Together now we multiply
Tu me racontes l’histoire que je connais déjà, parce que c’est également la mienne. Tu es aussi désorienté que moi, peut-être plus. Je ne sais pas quoi répondre, mais je me sens mieux.
To form a number we prefer,
Rejoicing as an integer
Tu finis par t’en aller. Je voudrais te presser contre mon cœur pour te dire au revoir, même si ce n’est pas comme ça entre nous, même si nous n’avons jamais été physiquement proches. On se regarde, gênés.
S’ensuit une étreinte maladroite, courte et inconfortable.
Peu m’importe.
We break free from our mortal bonds,
With the wave of magic wands,
Our square root signs become unglued,
Your love for me has been renewed.
Poaim damour lol |
1/33 |
08/04/2010 à 17:04 |
Je poste juste pour te dire que tu m'as foutu les boules du siècle en une seconde.
Je commenterai ton texte plus tard.
Poaim damour lol |
2/33 |
08/04/2010 à 17:05 |
EkafnusapsiuseJ a écrit :
Je poste juste pour te dire que tu m'as foutu les boules du siècle en une seconde.
Poaim damour lol |
3/33 |
08/04/2010 à 17:15 |
Tu vois, tu as réussis à trouver plus pourri que 'Couple séparé...'
A défaut de commenter, je le lirais plus tard.
Poaim damour lol |
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08/04/2010 à 17:17 |
Game Ovaire a écrit :
Tu vois, tu as réussis à trouver plus pourri que 'Couple séparé...'
Question d'opinion, I guess. J'aime bien le titre parce que c'est une blague de geek. Mais c'est pas super subtil, je te le consens.
EDIT : Je suis une crétine, tu parlais du faux titre. Sorry.
Poaim damour lol |
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08/04/2010 à 17:18 |
Une blague de geek ? Je dois pas en être un alors. Je l'ai pas comprise.
Poaim damour lol |
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08/04/2010 à 17:21 |
Game Ovaire a écrit :
Une blague de geek ? Je dois pas en être un alors. Je l'ai pas comprise.
Plus petit que trois. Essaye de visualiser.
Poaim damour lol |
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08/04/2010 à 17:27 |
On parle pas du même titre.
Bon laisse tomber. Dès que je reviens, je lis tout ça.
Poaim damour lol |
8/33 |
08/04/2010 à 17:28 |
Poème en entier, sans interruption :
I fear that I will always be
A lonely number like root three
The three is all that’s good and right,
Why must my three keep out of sight
Beneath the vicious square root sign,
I wish instead I were a nine
For nine could thwart this evil trick,
with just some quick arithmetic
I know I’ll never see the sun, as 1.7321
Such is my reality, a sad irrationality
When hark! What is this I see,
Another square root of a three
As quietly co-waltzing by,
Together now we multiply
To form a number we prefer,
Rejoicing as an integer
We break free from our mortal bonds
With the wave of magic wands
Our square root signs become unglued
Your love for me has been renewed
Traduction un peu à la va-vite mais suffisante à la compréhension, je pense.
I fear that I will always be
A lonely number like root three
Je crains que je serai toujours
Un nombre solitaire comme racine de trois
The three is all that’s good and right,
Why must my three keep out of sight
Beneath the vicious square root sign,
I wish instead I were a nine
Le trois est pourtant bon et juste
Pourquoi dois-je cacher mon trois
En dessous de la vicieuse racine
Si seulement je pouvais être un neuf
For nine could thwart this evil trick,
with just some quick arithmetic
Car neuf pourrait se libérer de ce mauvais tour
Avec juste un peu d'arithmétique
I know I’ll never see the sun, as 1.7321
Such is my reality, a sad irrationality
Je sais que je ne verrai jamais le soleil que comme 1,7321
Telle est ma réalité, une triste irrationnalité
When hark! What is this I see,
Another square root of a three
Mais, ah!, qu'aperçois-je là-bas
Une autre racine de trois
As quietly co-waltzing by,
Together now we multiply
To form a number we prefer,
Rejoicing as an integer
Nous marchons calmement côte à côte
Nous nous multiplions l'un l'autre
Pour former un nombre bien-aimé
Réjouis comme un nombre entier
We break free from our mortal bonds
With the wave of magic wands
Nous nous libérons de nos liens mortels
D'un coup de baguette magique
Our square root signs become unglued
Your love for me has been renewed
Nos racines carrées se décolle
Ton amour pour moi est renouvelé
Poaim damour lol |
9/33 |
08/04/2010 à 17:31 |
"
Poaim damour lol |
10/33 |
08/04/2010 à 17:34 |
TheSongWriter a écrit :
"
Euh. Mais encore ? (Bug ?)
Poaim damour lol |
11/33 |
08/04/2010 à 17:36 |
J'adore les deux derniers couplets en français.
Et le titre du topic.
Poaim damour lol |
12/33 |
08/04/2010 à 18:06 |
C'est pas mauvais.
Autobiographique, je présume. J'aurais aimé un fil conducteur. Une accroche.
Je n'ai poursuivis la lecture que parce que c'est un peu l'histoire d'une partie de ma vie.
Ce ne sera peut-être pas le cas de tout le monde.
Sinon, c'est joliment écrit. Mais j'aurais préféré une intrigue. Le côté un peu 'nouvelle' manque un peu.
Mais bon, ce n'est que mon humble avis.
Et calculer la dérivée seconde de la position, tout le monde peut le faire hein.
On sait quand un train ralentit, accélère ou navigue à vitesse constante. M'enfin...c'était peut-être destiné à faire ressortir le côté extraordinaire de l'individu à savoir toi. C'est une magouille rhétorique. Donner un nom plus compliqué à un phénomène quotidien connu de tous et se l'approprier pour se hisser. Vicieuse.
Poaim damour lol |
13/33 |
08/04/2010 à 18:12 |
La partie programmation m'a bien fait marrer. Surtout le code.
Je relirai plus tard, peut-être pour donner une critique, peut-être pas. :]
Poaim damour lol |
14/33 |
08/04/2010 à 18:24 |
Ca me rassure de pas être le seul à penser à la dérivée seconde de la position du train quand je prend le train.
Poaim damour lol |
15/33 |
08/04/2010 à 18:30 |
Game Ovaire a écrit :
Et calculer la dérivée seconde de la position, tout le monde peut le faire hein.
On sait quand un train ralentit, accélère ou navigue à vitesse constante. M'enfin...c'était peut-être destiné à faire ressortir le côté extraordinaire de l'individu à savoir toi. C'est une magouille rhétorique. Donner un nom plus compliqué à un phénomène quotidien connu de tous et se l'approprier pour se hisser. Vicieuse.
Je sais bien que c'est facile, j'essayais pas de me faire mousser. (A la relecture, cette phrase parait sèche mais ce n'était pas mon intention alors voici un smiley : "deux accents circonflexes".) C'est juste que je... hum, l'héroïne ne peut plus s'empêcher d'y penser quand elle prend le train. Je modifierai peut-être un peu pour que ça fasse moins prétentieux.
J'suis une adepte des textes contemplatif, hein, ça t'avais déjà gêné dans Sol, La., je me souviens. Dans mon autre projet actuel (tous les textes que j'ai posté ces 2, 3 derniers mois), y a une intrigue, s'tu veux jeter un coup d'oeil.
Merci à tous ceux qui ont lu et commenté.
Poaim damour lol |
16/33 |
08/04/2010 à 18:46 |
Quand je te dis ça, c'est pas méchant du tout. En tout cas, essaye de le tourner autrement, parce que là, tu suscites pas l'impression voulue chez le lecteur.
Et oui, je vois que tu as bonne mémoire, il me faut une intrigue.
Concernant la référence au Golem, pourquoi l'avoir mis au pluriel. Si on en croit la légende, il n'y en aurait eu qu'un. Celui du Maharal de Prague.
Poaim damour lol |
17/33 |
08/04/2010 à 19:18 |
Game Ovaire a écrit :
Concernant la référence au Golem, pourquoi l'avoir mis au pluriel. Si on en croit la légende, il n'y en aurait eu qu'un. Celui du Maharal de Prague.
Je ne savais pas. Comme quoi, se documenter, ça sert. Je vais faire un tour sur wikipedia.
Poaim damour lol |
18/33 |
08/04/2010 à 21:34 |
Up.
Poaim damour lol |
19/33 |
08/04/2010 à 21:39 |
EMET c'est pas plutôt vérité ?
Poaim damour lol |
20/33 |
08/04/2010 à 21:43 |
TheSongWriter a écrit :
EMET c'est pas plutôt vérité ?
Yup, c'est juste. J'ai écrit ça de mémoire, même pas penser à me renseigner. Ça m'apprendra.
Merci de relever les fautes.