Il est exactement 23h27, nous sommes le samedi 15 décembre 2007. Dans environ six heures et trois minutes, tu seras parti.
Je ne trouve pas les mots pour exprimer ce que je ressens. Moi qui vénère la richesse de notre langue, me voilà bien dépourvue. Je crois qu'il n'existe pas de mot à mettre sur ce sentiment. Tristesse ? C'est plus que ça. Mélancolie ? Pas exactement. Colère ? Non plus. Déception ? Regret ?
Rien à faire.
Je n'ai jamais été aussi déprimée un soir de décembre. Tout à l'heure j'irais fumer une cigarette à la fenêtre de ma chambre, en écoutant Grand Corps Malade, les Clash ou Brixton Cats, ça me remettra d'aplomb. Les écouteurs vissés dans mes oreilles, j'esquisserais quelques pas de danse et hurlerais mon mal-être. Mais pour le moment, je dois écrire. C'est une nécessité vitale. Je dois écrire, écrire pour ne pas t'oublier, écrire pour m'exprimer, écrire parce que je n'ai pas le choix.
On dit que chaque problème a sa solution. Mais il faut être prêt à faire des sacrifices... et nous ne l'étions pas, ne le sommes toujours pas.
Nous nous reverrons cet été. Ce n'est pas la mer à boire, j'en suis consciente. Mais mon coeur est fissuré. Tu es mon meilleur ami. Tu vas tant me manquer...
Je jouais les insouciantes et cette dernière soirée, j'ai ri et ri avec toi. Je crois qu'insonsciemment, nous repoussions sans cesse les adieux inévitables.
Quand ma mère t'a raccompagné, je n'ai pas prononcé un mot. Malgré ta main qui cherchais à serrer la mienne à tâtons. Tu répondais aux questions anodines de ma génitrice, mais je savais que tu te sentais aussi mal que moi.
Enfin, la rue Jean Jaurès et l'entrée de ton immeuble. Je suis descendue de la voiture avec toi ; j'ai bien vu que cela t'a étonné, puisque je n'avais pas desserré les dents de tout le trajet. J'ai bien vu que tu me croyais insensible.
Et puis j'ai senti les larmes couler, les sanglots jaillir sans que je puisse me retenir. Je me suis jetée dans tes bras. C'était la première fois que tu me voyais pleurer. C'était la première fois depuis l'enfance que je pleurais en public, sans la moindre honte. Je ne voulais plus réfréner mes sentiments.
Nous sommes restés l'un dans les bras de l'autre pendant presque cinq longues minutes, moi pleurant, toi me réconfortant. Je sentais le regard de pitié que ma mère dardait sur nous, en même temps qu'elle surveillait l'heure d'un air impatient.
Je t'ai serré plus fort que si ma vie en dépendait, comme si cette dernière étreinte avait le pouvoir de changer les choses, le pouvoir de t'empêcher de partir. Tu me manque déjà...
Bulgarie. Le pays de tes origines. C'est si loin, et si proche à la fois ! Ce sont toujours les meilleurs qui partent les premiers. Tu ne fais pas exception à la règle...
Quoi qu'il en soit, tu as fait une promesse, ne l'oublie pas. Cet été, tu reviendras. On partira à Londres comme on en a toujours rêvé. On ne s'oubliera pas, hein ! Tu l'as promis. Je te fais confiance. Nous sommes si proches... On en a partagé des rires, des larmes, des coups de gueule et des gueules de bois, des fumées orthodoxes et moins orthodoxes, des manifestations, des coups des Compagnies Républicaines de Sécurité, des Assemblées Générales, des grèves, des blocages, et même des émeutes. Tous ces souvenirs ne pourront s'effacer malgré le temps qui passe, malgré les rides qui se tracent. Et même si tu ne reviens pas, je ne pourrais les oublier.
"Pardonnez-moi de vous quitter"
Non, ne sois pas désolé. Tu ne fais que suivre tes parents, tu n'avais pas beaucoup d'autre alternative. Ne sois pas désolé, même si nous allons tous en souffrir, ne sois pas désolé.
Ton sourire, tes expressions resteront gravés au fer rouge dans ma vie. Quand tu fais des yeux de chiens battus pour avoir une cigarette, quand on rentre à pied de Bellecour à 4h du mat' parce qu'on a raté le dernier bus et que je dois te soutenir, trop soûl pour marcher, quand tu te trémousse par terre en tentant d'imiter un poisson faute d'avoir trop fumé, quand on se fait contrôler et courser par les flics... tous ces souvenirs, je pourrais en citer des centaines.
Quoi qu'il en soit ton départ cause un vide si immense que j'ignore s'il pourra un jour être comblé. Quoi qu'il en soit je ne t'oublierai jamais, toi qui est intervenu dans une période si décisive de ma vie. Et si un jour tu as besoin d'aide, pense à moi, je serais là.
J'ai écris directement ce texte sur SE. Je ne sais pas pourquoi j'éprouve le besoin de le poster, c'est de l'étalage de vie, rien de plus. Si vous avez la flemme de lire ne lisez pas, ce n'est pas spécialement bien écrit... je voulais simplement me soulager d'un poids énorme. Il est inutile de critiquer le style, si ça vous amuse faites-le, mais je m'en fous, c'est le cadet de mes soucis.
Ne sois pas désolé (nouvelle) |
1/4 |
15/12/2007 à 23:59 |
Simplement magnifique...
Ne sois pas désolé (nouvelle) |
2/4 |
16/12/2007 à 00:00 |
haa l'amour...
Ne sois pas désolé (nouvelle) |
3/4 |
16/12/2007 à 00:03 |
Non, l'amitié. C'est pire.
Ne sois pas désolé (nouvelle) |
4/4 |
16/12/2007 à 00:04 |
Bien écrit, bien construit, chargé d'émotion... Que dire de plus? Pour un texte écrit sur le vif c'est vraiment très fort... Courage, dans ces cas là il faut relever la tête bien vite et aller de l'avant...