Voici le prologue de ce que je suis en train d'écrire. (Bien qu'inspiré de différentes personnes de mon entourage, il s'agit d'une fiction)
Quand je me réveillais, ces matins-là, j’avais le corps tout engourdi. J’avais des fourmis, disait-on. Elles bougeaient énergiquement et sans relâche, sous ma peau, de la tête aux pieds. Ma chambre n’était pas totalement obscure. Un léger faisceau lumineux perçait d’entre les volets et se posait sur les draps froissés de mon lit. Je me relevai, m’asseyait au bord du lit et enfilait mon short et mon maillot de la veille. Je n’ai jamais aimé le moment du réveil. Le fait de se lever ne me dérangeait en aucun cas mais c’est la sensation que j’ai quand je sors du sommeil qui me dérange. Cette impression est tout bonnement indescriptible. Mais, croyez-moi ou non, elle est désagréable. Ensuite, je sortais de ma chambre, je descendais dans la cuisine pour manger quelque chose, n’importe quoi, ce qui me passait sous la main, et j’allais me laver. C’était une routine si profondément installée chez moi que l’on aurait dit une sorte de rituel. Rien n’a jamais changé. Si quelque chose altérait ce train-train matinal, cela me rendait nerveux et de mauvais poil. Il fallait que tout se déroule comme prévu.
Après ceci, je regardais souvent la télévision. Je naviguais avec rapidité entre les chaines pour avoir des nouvelles du monde, pour savoir les résultats des matchs de la veille ou encore pour être informé que deux adorables chatons ont réussi à bloquer plusieurs stations de métro dans le quartier de Brooklyn en se réfugiant sous les rails. Je ne restais jamais bien longtemps devant le poste. Je trouvais que l’on voyait tout le temps la même chose car je me suis dit que les productions se basaient sur les audiences pour diffuser les programmes.
Je réservais la quasi-totalité de mon après-midi à mes passe-temps. Pendant une petite heure je m’installais au piano pour interpréter quelques morceaux de Louis Armstrong, Queen, et autre Erik Satie. Cela me procurait un bien fou et me rendait pleinement heureux. Durant le temps qu’il me restait, je faisais du sport. L’année passée j’avais découvert le basketball et en était devenu absolument passionné. Ainsi je me mettais en tenue de sport, prenait mon sac, mon ballon et j’allais jouer pendant au moins deux heures à chaque fois. Je me rendais au stade municipal seul. Je ne voulais pas perdre mon temps à chercher un autre joueur. Si quelqu’un était déjà là, tant mieux, sinon, tant pis. Je tentais de m’améliorer et je restais sur le terrain jusqu’à ce que la fatigue me prenne. Peu importe si des douleurs aux cuisses, aux genoux, ou bien aux chevilles se faisaient ressentir. Ces moments de l’après-midi étaient les seuls que j’appréciais dans une journée estivale comme celle-ci.
C’est ainsi qu’au début de l’été, mes parents nous annoncèrent, à mon frère, ma sœur et moi, qu’ils allaient se séparer. A vrai dire nous nous y attendions un petit peu. L’ambiance électrique des derniers mois et l’accumulation de problèmes divers et variés constituèrent des indices non négligeables.
Peu de temps après, je m’envolais pour les Etats-Unis. J’avais planifié de passer trois semaines à Philadelphie dans le cadre d’un stage linguistique. Je suis parti seul sans amis ni famille pour m’accompagner. Le fait de partir en ne connaissant personne ne me dérangeait pas le moins du monde. Cependant, je n’étais pas non plus totalement seul. On m’avait envoyé dans une famille de la banlieue ouest de Philadelphie. Des gens chaleureux et accueillant comme on en voit rarement. C’est l’école où j’ai étudié l’anglais pendant 3 semaines qui m’a trouvé un hébergement. Et c’est dans cette même école que j’ai pu faire la connaissance de gens merveilleux venant des quatre coins du monde. J’ai rencontré en particulier une jeune chinoise d’une vingtaine d’année avec qui je passais le plus clair de mon temps libre. Ce fut pour moi une véritable amie. Malheureusement, nous n’avons pu rester en contact après mon départ. Mais j’ai aussi fait la rencontre marquante d’un militaire coréen. En effet, j’avais pu remarquer que cet homme profitait pleinement de tout ce qu’il pouvait faire, voir ou même manger. Je n’avais jamais vu quelqu’un d’aussi joyeux et enthousiaste. Ainsi, en amorçant habilement le sujet d’une certaine manière, j’en suis venu à lui demander d’où lui venait cette gaieté qui lui était si particulière. « Je suis persuadé que, quand je rentrerai chez moi, je partirai faire la guerre. Et au moment de mourir, je ne voudrai avoir aucun regrets ». Ce fut sa réponse. Le plus étonnant dans tout cela est la manière si normale et si banale qu’il avait de prononcer ces mots. Sur le coup je restais sans voix. Je ne savais pas quoi répondre mais inconsciemment je me suis dit qu’il fallait que je me comporte de cette façon. Non pas de m’attendre à partir en guerre pour mourir mais d’adopter cette philosophie de vie qui consiste en quelque sorte à se satisfaire de ce qu’il peut nous arriver.
Mon séjour se déroulait de façon plutôt linéaire mais pas répétitive pour autant. Le matin, je devais me rendre à l’école, pour cela je devais prendre le bus et le métro. Et étrangement, j’appréciais particulièrement les moments passés dans le métro. Je me débrouillais toujours pour me trouver une place près de la fenêtre où personne ne risquais de venir s’assoir à côté de moi (par souci de tranquillité). Et comme ça, je pouvais continuer ma lecture d’un livre de H. Murakami tout en regardant le soleil se lever avec douceur sur la ville splendide et pleine d’histoire qu’est Philadelphie.
Une fois arrivé au centre-ville, entre les buildings d’une cinquantaine d’étage, je ne trainais pas et je marchais, chaque matin avec rapidité vers l’école ou je devais me rendre. Chaque matin je retrouvais mes amis de différents pays. Et chaque matin je suivais les cours de ce professeur follement drôle (ces deux termes lui vont comme un gant) qui n’appréciait pas vraiment les français. Je n’ai jamais trouvé un cours d’anglais aussi intéressant et instructif que celui-ci.
A mon retour de la ville de l’amour fraternel, l’ambiance tendue à la maison avait un peu augmenté et mes parents ne portaient plus leurs alliances. Chose peu étonnante. Un mois plus tard, arrivait la rentée.
La rentrée des classes. Chez beaucoup de personnes on trouve de l’appréhension ou de l’impatience, de l’excitement ou de l’énervement. Pour ma part, c’était plus l’envie de connaitre la classe dans laquelle je serais cette année. Rien de plus normal. En revanche, le motif n’est pas habituel : je ne voulais pas tomber dans la même classe que l’an dernier, je souhaitais faire de nouvelles rencontres, voir de nouvelles têtes. Quand les autres veulent retrouver leurs connaissances de l’année passée, moi, je veux m’en détacher. Rien de plus anormal. La raison ? Une fille. Non, pas une femme, une fille.