horrible monde

Emmanuel141

horrible monde

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05/10/05 à 23:22

Un texte de mon frère Georgio.





Un vieillard qui regarde le peu que ses yeux lui permettent de voir, que c’est triste. Il regarde sa femme disparue il y a longtemps sur une photo en noir et blanc chiffonnée par l’étreinte secrète de celle-ci avec son torse. Il ne voit plus bien, ses yeux se troublent de plus en plus, les bruits de la ville n’arrivent plus à ses oreilles. Il le sait, bientôt ce sera le spectacle de la mort dansante autour de lui. Seul, comme tant de personnes âgées abandonnées par leur « famille », il se rappelle de sa vie. Il lui aura fallu 18 ans après sa naissance pour connaître la femme qui a fait ses plus beaux jours. Même s’il ne peut plus voir, il regarde cette photo. Il a tellement regardé cette femme, tellement admiré sa beauté, tellement scruté les fins fonds de son âme qu’il la voit sur cette photo. Plus encore, c’est comme si elle était toujours là pour lui, une partie de lui-même qui ne peut partir. Son urine chaude glisse sur ses jambes comme tant de fois chez les personnes âgées, tout cela à cause des pertes aussi bien physiologiques que mentales liées à l’âge. Et encore il n’est pas si mal en tant que personne âgée, il peut encore parler, a de la mémoire, marche même si des fois il tombe comme un bébé qui essaie de marcher. Je me demande pourquoi on peut changer un bébé, le torcher, lui ramasser son vomi, et pourquoi on ne peut faire pareil avec un vieux ? A mon sens, c’est du juste une pensée égoïste liée à la peur de ce que nous deviendrons tous. Il tend la main vers la gauche à l’aveuglette et trouve une armoire où il prend en ne bougeant pas un vêtement de sa compagne. Il l’approche difficilement près de son nez et respire cette odeur qui lui parait plus douce que celle des roses. Il se rappelle de toutes les nuits passées avec elle, tous ses baisers, toutes les fois où ils firent l’amour. Il sourit en continuant à uriner puis s’affaisse dans cette mare de pisse. Un monde vient de mourir, un grand psychiatre est décédé. Son monde de générosité pour aider les fous et tenter de les soigner, lui qui essaya de rendre la psychiatrie humaine et de remettre au goût du jour des méthodes telles celle de Schulz par exemple qui marchèrent pour ses patients. Cette éthique enseignée par l’exceptionnel Jean-Paul Tahmazian et le grand Professeur Othoniel ainsi que tous les autres restera à jamais perdue. Il réussit à rendre heureux ses patients et sa femme mais il ne comprit jamais sa famille de laquelle il prit ses distances il y a des décennies à part avec sa pauvre mère qui mena une vie de labeur et d’abnégation. Quant à ses enfants, ils le rejetèrent suite à la mort de sa femme tout comme lui rejeta son père à l’adolescence car il rendait sa mère malheureuse et l’avait battu, lui, une veille de Noël. Il ne savait donc pas ce qu’était un père et l’éducation de ses enfants fut l’échec de sa vie. Mis à part ses échecs involontaires et ses réussites méritées ou chanceuses, c’était un homme bon qui vient de mourir dans une flaque jaunâtre et se refroidissant tout comme son corps. Toujours ce sourire car il rejoint enfin celle qu’il a aimé et qui l’aima lui pour ce qu’il était. L’éternité s’offre peut-être à eux si Dieu existe mais cela je le saurai tôt ou tard comme nos tous. Tel une rock star, il est éclairé par la lumière du néon qui faiblit et s’éteint à cause de son âge lui aussi. Le spectacle de sa vie est terminé laissant place aux mouches volant autour de lui les jours passants. Les vers se promènent sur ce sourire magnifique d’émotion. Le chat n’étant plus nourri, il goûte à son maître par petites bouchées et se délecte ronronnant puis dort à ses côtés au creux de son épaule. Soudain une fumée verdâtre fait tomber les mouches, le chat part en courant par la porte que des individus en blanc ont ouverte.


-Nous dérangeant parce que ça pue et voilà ce que c’est !
-Encore un putain de vioc de merde !
-Raa, c’est immonde !
-Et c’est quoi qu’il tient ?
-Tu t’en fous ! Jettes ça à la poubelle !

Il jeta le vêtement de sa femme qu’il serrait comme si elle était avec lui l’accompagnant en lui montrant que la mort peut être douce. Mais quel con ce type, il ne se demande même pas ce que cela représente pour un pauvre défunt. Mais il s’en fiche à cause de la société qui lui a appris à ne se soucier que de sa vie et de ses proches. Ce qui lui importe, c’est de faire des brunchs avec ses amis pour leur montrer sa réussite. Une femme belle, un chien, deux enfants, un bon salaire, une jolie maison avec un jardin et un barbecue synonyme de la réussite ultime. Alors au boulot, il est de mauvaise humeur car cela ne le flatte pas de s’occuper d’un vieillard pourrissant et souriant dans son urine.


C’est triste un vieillard mort regardant dans le vide et se tournant vers sa femme dans la mort. Un monde riche disparaît avec chaque homme alors apprenons à connaître les gens et à ne pas les juger. Apprenons la générosité et les futurs vieillards dans son genre ne seront pas traités avec dédain et irrespect de la vie…

Personne à son enterrement lors du prêche du moine, tant pis. Les gens qu’il a aidé garderont toujours en eux-mêmes une petite partie de lui enfouie secrètement.

Quelques jours plus tard, le seul être à s'être rappelé de lui est son fidèle chat mort de faim sur sa tombe. Si seulement les hommes pouvaient avoir le 1/10 de reconnaissance et d'amour des animaux, le monde serait bien meilleur.