[ C'est un peu long, mais j'attends vos avis ]
La pièce était sombre, un ou deux filets de lumières seulement se faufilaient au travers des épais rideaux rouges. Louise reconnaissait l’odeur, ce parfum âpre qui vous prenait à la gorge. Elle avait déjà envie de partir, de fuir ces meubles, ces vieilles tapisseries délabrées, cette atmosphère étouffante qui avait été son quotidien pendant chaque week-end de son enfance. Elle se résigna. Je suis venue pour quelque chose, se souvint-elle.
D’un pas vif, elle s’avança vers l’immense baie vitrée et tira sur les rideaux. Le jour la surprit et le mouvement du rideau réveilla la poussière qui somnolait là depuis des années. Sûrement.
Louise arpenta la pièce rapidement, allongeant son regard dans tous les recoins. Tout était épais, rouge, marron, du velours, du lourd, rien que du lourd. Elle détestait cet endroit, et elle sentit soudain qu’elle l’avait toujours détesté, et lui, et les souvenirs grinçants qu’il enfermait.
Elle retint de couler les larmes qui s’entassaient au bord de ses yeux. On ne pleure pas Louise.
Au fond de la pièce, dans l’espèce d’alcôve que son père avait voulu créer, elle croisa son propre regard dans un miroir au cadre doré. Louise se regarda, elle se trouva belle. Elle eut un sourire ironique. Ridiculement belle. Elle avait mis la robe, la belle robe que sa mère portait le jour où elle lui avait annoncé, l’air grave, sévère, que son père était mort.
« Papa s’est suicidé. D’un pont. Habille-toi, tu vas être en retard à l’école. »
La voix résonnait encore, résonnerait toujours. Comment peut-on dire ça à une enfant de 12 ans ? Est-ce qu’on va à l’école, rire avec ses camarades et se faire interroger en classe, le jour où son papa meurt ?
Son reflet la rappela à la réalité. Elle se sentit bête d’avoir mis cette robe, elle savait bien que c’était pour se prouver à elle-même que sa mère n’était pas coupable de cette mort, de ce « suicide », pour y croire.
Mais pourquoi, pourquoi papa se serait-il suicidé ? Il n’avait rien à reprocher à sa vie. L’enfant de 12 ans qu’elle était à l’époque n’avait pas compris. L’enfant de 20 ans qu’elle était maintenant ne comprenait toujours pas mais voulait comprendre, allait comprendre. 8 ans après on peut toujours, on doit.
Elle s’allongea sur le canapé, toujours aussi large, toujours aussi inconfortable, juste un peu … vieilli. Petite, elle détestait ce canapé, cet endroit, elle détestait les week-ends, où elle quittait sa mère pour aller s’enfermer avec son père dans cet appartement miteux, son père et ses règles, son père et ses principes.
Tout haut, Louise dit :
« Ce que je détestais, surtout, c’était l’idée que maman ne l’aimait plus, qu’il n’aimait plus maman, et que peut-être il ne m’aimait plus, moi non plus. »
La voix résonna dans la pièce caverneuse, se cogna contre les murs, se heurta aux souvenirs, au fantôme de son père.
L’aimait-il ? Pendant ces deux jours hebdomadaires où il la faisait parler, raconter ses journées, l’aimait-il ? Quand il la voyait arriver le samedi matin, repartir le dimanche soir. Et la semaine, même la semaine, l’aimait-il ?
Elle n’avait jamais pu savoir. Et quand elle questionnait sa mère, elle sentait sur elle le regard de mépris, elle avait honte, honte de poser des questions sur un homme que sa mère avait aimé, puis moins aimé, puis détesté puis … tué ?
Non … C’est l’imagination d’une enfant de 12 ans qui ne comprend pas qu’on puisse aimer, ne plus aimer, voir mourir et ne pas pleurer. Ne même pas pleurer.
Louise non plus n’avait pas pleuré. Elle ne savait pas. Peut-être que c’est interdit, peut-être que ça ne se fait pas.
« Pourtant j’avais envie, j’avais tellement envie ! »
Louise se leva soudain, et inspecta la pièce, une seconde fois, plus activement.
Qu’est-ce que cette pièce cache, qu’est-ce qu’elle sait que je ne sais pas ?
Elle ouvrit les tiroirs, elle retourna les tables, elle secoua les armoires. Tout était vide, on avait laissé les meubles mais on avait tout vidé, repris, trié, jeté. Et plus elle cherchait, moins elle trouvait, plus elle se sentait ridicule d’avoir cru découvrir quelque chose, tant d’années après.
Mais là, sous le radiateur, un papier.
Le cœur de Louise bondit, rebondit, non, non, elle ne veut pas croire à quelque chose, ce n’est rien, évidemment, ce n’est sûrement rien, Louise attrape la feuille, c’est une enveloppe, ouverte, Louise sort la lettre, reconnaît immédiatement l’écriture en italique de sa mère, elle ouvre, trois lignes, à peine, l’encre est un peu passée, elle lit.
« Je ne veux plus que tu vois Louise, retire ta demande au juge. Louise n’est pas de toi. Ne la vois plus jamais. Ce n’est pas ta fille. »
Un petit instant après, Louise se releva, doucement, reposa la lettre sur le sol, referma les rideaux, attrapa son sac et sortit de l’appartement.
Dehors l’air était frais, mais doux. Frais ou doux ? Un peu des deux sûrement. Mais ce n’étais pas désagréable, pas désagréable du tout.
Elle marcha un peu, sans vraiment savoir à quoi penser. Si, elle avait faim. Louise décida de rentrer chez elle, elle n’avait pas déjeuné. Sur la route elle croisa le regard d’un homme blond. Louise était blonde, aussi. Aucun de ses parents ne l’était, elle n’y avait jamais prêté attention avant. Sa mère, elle, avait dû remarquer. Peut-être que sa mère avait eu peur que son père le voie, peut-être qu’à sa naissance, ça avait été un réel souci pour elle, d’avoir une fille blonde.
Louise ne savait pas, mais elle s’en fichait maintenant, puisqu’elle avait un père qu’il l’avait aimée, puisqu’elle avait une mère responsable, mais pas coupable.
Louise laissa enfin couler les larmes, qui découvraient le jour, 8 ans plus tard.
Huit ans plus tard (nouvelle) |
1/9 |
13/12/2008 à 16:14 |
Ca va un peu trop vite à mon goût.
Huit ans plus tard (nouvelle) |
2/9 |
13/12/2008 à 16:16 |
Trop vite, tu veux dire, qu'elle trouve le papier trop vite ?
Si c'est ça, je suis assez d'accord et j'avais peur justement que ça fasse un peu surfait. (je suis en train de m'auto-critiquer, c'est sympa
)
Huit ans plus tard (nouvelle) |
3/9 |
13/12/2008 à 16:17 |
Alhambra a écrit :
Trop vite, tu veux dire, qu'elle trouve le papier trop vite ?
Si c'est ça, je suis assez d'accord et j'avais peur justement que ça fasse un peu surfait. (je suis en train de m'auto-critiquer, c'est sympa )
En gros, ouais. Tu passes de "elle ne sait rien de rien" à "Maintenant elle sait tout et tout est bien qui finit bien".
Huit ans plus tard (nouvelle) |
4/9 |
13/12/2008 à 16:18 |
Huum ouais ok, je comprends. T'as sûrement raison d'ailleurs.
Peut-être que je devrais étoffer.
Huit ans plus tard (nouvelle) |
5/9 |
13/12/2008 à 16:36 |
D'autres avis ?
Huit ans plus tard (nouvelle) |
6/9 |
13/12/2008 à 17:52 |
Hum ..
Huit ans plus tard (nouvelle) |
7/9 |
14/12/2008 à 14:48 |
J'Up, j'aimerais vraiment des avis
Huit ans plus tard (nouvelle) |
8/9 |
23/12/2008 à 12:31 |
J'ai aimé =D
Huit ans plus tard (nouvelle) |
9/9 |
23/12/2008 à 15:54 |
J'ai adoré.