Lettre d'adieu...

l-arwen

Lettre d'adieu...

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10/06/08 à 17:21

Coucou,

Cela fait plus de deux semaines que je voulais te répondre. A vrai dire, j’étais tout de même un peu perdu après avoir attendu en croyant voir ton visage dans chaque personne, qui, pressée d’aller à un autre rendez vous, marchait vite entre les murs et les trams. Tu crois beaucoup dans ma force qui est de se contenter du goût de la vie là ou il est, à chaque petit instant, loin des amours aveuglantes de tous les gens que j’ai pu voir en t’attendant. C’est beau, la vie, c’est tout ce que j’ai pensé à ce moment-là : ces gens qui se retrouvent le plus simplement du monde, avec un sourire, une fleur ou un baiser à la bouche. Je crois que je t’ai attendu longtemps, mais le plus étonnant, c’était mon impression d’être étranger au monde, personne ne s’arrêtait, j’étais transparent aux yeux des autres. Chaque tram portait un espoir. Tu as beaucoup cru à ce qui est notre guérison, et nous aurions pu aussi nous fabriquer un souvenir supplémentaire, un des souvenirs qui sert dans les moments sombres, une plage de détente quand tout s’affole.

Au fond, je ne peux pas dire que je t’en veux, et je ne peux pas non plus dire le contraire. En fait, tu as agi en pensant au futur, ou plutôt en t’imaginant le futur, et vu comme ça, cela ne nous ressemble pas. Ne pas profiter d’aujourd’hui à cause d’un demain qu’on s’imagine mélancolique. Je dis cela parce que ce soir là, j’ai eu cette grande mélancolie, l’impression vague d’un « jamais plus » un moment avec toi. Je n’aime pas les adieux. Et je sais aussi ce que tu penses et ce que tu crois bon.

Pourtant nous aurons tout le temps d’être séparés à partir de cet été. La petite part, ça doit être simplement entre maintenant et ton départ, un peu comme si déjà plusieurs jours avant la fin d’un séjour de vacances on s’enterrait dans la chambre pour ne pas être trop triste le jour du départ. C’est absurde. Ce qui est absurde, c’est la confrontation entre le désir d’être heureux et l’angoisse d’être nostalgique par la suite. Pourtant, la nostalgie n’a rien à voir avec la mélancolie. La nostalgie peut même être euphorique, rappeler seulement les bons souvenirs, la musique, la douceur d’une saison. Penser à quelque chose d’agréable, même passé, n’est pas forcément triste. Je ne suis pas triste de t’avoir connue, et je n’en serai jamais triste. Souviens-toi du Petit Prince : il rencontre un renard et le renard lui demande de l’apprivoiser, en venant chaque jour à la même heure. Un jour le renard sent l’heure du départ proche et le Petit Prince s’en rend compte. Le renard lui explique qu’il sera triste, mais qu’il a gagné à le connaître à cause de la couleur du blé qui le fera penser à lui. Et pour toujours.

Je pourrai encore t’écrire longtemps, mais on aura d’autres occasions d’échanger des impressions. Je te joins ici deux photos de moi, même si nous n’en avons pas de nous deux ensemble. D’ailleurs, en voyant les photos dans ta lettre, j’ai compris tout de suite qu’elles portaient quelque chose de symbolique, comme un porte bonheur, ou une aide pour les autres jours qui viendront. Je t’écris, l’écriture est la mémoire du futur.