Concours littéraire, deuxième tentative. |
73/82 |
23/01/2010 à 21:15 |
Bon je le poste ici pour le moment :
And has I threw Job, I drove
Myself to a martyred wretch
To see if I drew pity
Or pretty litanies from the Lord
(…)
So glad for the madness
(Cradle of Filth – Babalon A.D.)
J’étais anéanti – anéanti par cette vision malsaine – et lorsque le malaise fût passé, je manquais de m’évanouir à nouveau. Le son des cloches – lourd et terrible – fût la dernière chose qui résonna à mes oreilles. Après quoi, les intenses maux de tête, furent remplacés par un vide intense et inquiétant. Mon âme était comme mise à nu, livrée à mes redoutables ennemis. Toutefois, cela ne dura qu’un instant. Car la seconde d’après, la grotesque vérité frappa mon esprit de plein fouet. Et je voyais Sa bouche, dégoulinant de bave, Ses dents jaunes à quelques centimètres de mes yeux. La fièvre me reprit, plus violente encore, et les voix infernales hurlèrent à nouveau leurs blasphèmes impies dans le caveau de mon crâne. Je n’avais aucun doute quant à l’issue fatale vers laquelle je me dirigeai et je n’avais de cesse de vouloir m’y précipiter. La mort m’attendait, m’ouvrait les bras, en amante fidèle ou en mère attendrie. Un grondement sourd jaillit de Sa gorge, comme une approbation. Et pendant un bref instant, je me figurai qu’Elle me parlait. Et alors que l’épouvante atteignait son paroxysme, je perdis pied. J’atteignis cet état mystérieux, voisin de la mort, où l’on dort sans réellement dormir, où l’on entend sans réellement entendre, où l’on voit sans réellement voir, où l’on sent sans réellement sentir, cette parodie du réel qui n’en est pas une et qui transcende un homme comme on écrase un cloporte. Dans cet état, où l’imagination délirante fait office de bon sens, où la raison n’existe pas, je me réfugiai avec soulagement. Et la nuit envahit mon âme.
Néanmoins, je continuai de me raccrocher à la vie avec tout le désespoir instinctif dont j’étais capable. Le corps humain est une admirable machine qui ne s’avoue jamais vécu, même lorsque l’esprit a abandonné la lutte. Une chose est certaine, je ne dormais pas. Non, je ne dormais pas, mais pourtant je rêvais. Oh Seigneur, quels étranges rêves je faisais ! Quels effroyables cauchemars ! Et pourtant cela était préférable à l’affreuse réalité. J’étais piégé, insignifiante mouche empêtrée dans la toile de quelque monstrueuse araignée. Si je parvenais à retrouver en moi des forces pour reprendre conscience, je sentirais à nouveau sur mon visage Son souffle putride. Si je restai dans ce demi-sommeil, ma raison vacillante finirait par perdre pied définitivement. Et dans tous les cas, la mort et sa délivrance tant attendue n’arriverait que tard. Et serait-ce réellement une délivrance ? La vie dissolue que j’avais menée jusque là ne me condamnait-elle pas à l’Enfer ? Oh Dieu, mon Dieu, prenait pitié d’une pauvre âme et de ses tourments ! Pardonnez-moi les richesses dilapidées, les palais merveilleux, les blasphèmes et le sang des jeunes filles ! Pardonnez-moi, les vers fantasmagoriques, les pratiques impies et les caresses des enfants !
Ce n’était pas ma faute ; après tout ma naissance, mon environnement, me prédestinaient à la débauche. Bien que j’eus été élevé dans la religion, ce n’était pour moi que pure forme que mon rang exigeasse et elle m’apparaissait toujours comme une lointaine parente un peu réprobatrice mais elle-même non exempte de vices – et il en allait de même pour toute ma génération. Mon oncle, l’abbé Jacques François, ne me donnait pas tord, tant était grand le soin qu’il apportait à ses ouailles féminines – à un point tel qu’il en venait à organiser de petits séminaires réguliers dans son château. C’est durant ces orgies que je fus moi-même initié aux plaisirs de la chaire – à l’époque, elles ne m’inspiraient d’ailleurs qu’un profond dégoût.
Je frémis. Lentement, mais sûrement, je reprenais mes esprits. Les sens me revenaient petit à petit. D’abord l’ouïe, la conscience du profond silence, troublé à impact réguliers par les battements de mon cœur. Ensuite le goût, cuivré et écœurant qui emplissait ma bouche. L’odorat suivit, et l’odeur dégoûtante de la putréfaction. Puis le toucher, la sensation de la pierre, froide et dure contre mon dos, des liens brûlants qui enserraient mon corps. Enfin, la vue, d’abord légèrement trouble, puis de plus en plus claire. Je pu contempler à loisir les restes de l’horrible scène qui s’était jouée sous mes yeux il y a quelques heures – à moins que ce ne soit des jours, des mois, des années qui sait ? Le spectacle auquel j’assistais alors, je ne le souhaite à aucun homme.
J’étais solidement attaché à un immense pilier qui surplombait la gigantesque crypte. Les murs de celle-ci étaient couverts d’étranges inscriptions que je ne pouvais déchiffrer et le sol était jonché de membres arrachés, de viscères éparpillées et de visages que la mort avait à jamais pétrifié dans une grimace de peur. Juste en dessous de moi se trouvait un hôtel, semblable à ceux qu’on trouve dans les églises, à ce détail près que sur la toile qui le recouvrait était brodée un gigantesque pentacle, la pointe tourné vers les fidèles – vers le bas, donc. L’atrocité du rituel que l’on y avait pratiqué dépassait l’entendement. Un nourrisson était disposé au bout de chacune des pointes de l’étoile. Des poignards sacrificiels à la poignée argentée étaient plantés dans les crânes de ces enfants qui ne pleureraient plus. De minces filets de sang s’écoulaient de leurs blessures, teintant d’un rouge sinistre le noir de l’autel. S’en était trop. La bile me remonta dans la gorge et je vomis. Le répugnant produit de ma digestion vint s’écraser avec un bruit flasque quatre mètres plus bas.
Dire que je n’avais aucune idée de la raison de ma présence en ce lieu est faux, mais pour l’heure je n’y songeais guère. Je m’agitai désespérément pour tenter de me sortir de ce cauchemar, mais les liens étaient solides. Bientôt, j’abandonnais la lutte et, fermant les yeux, je tachais de reprendre mes esprits. Il fallait que je trouve un moyen de me sortir de là – Elle allait revenir d’une minute à l’autre - si possible sans m’écraser lamentablement sur le sol de pierre. La simple idée des os brisés et de la douleur qui s’ensuivrait me soulevait le cœur. La mort, m’aurait semblait bien douce un peu plus tôt, mais désormais, elle m’emplissait de terreur. Les supplices infernaux dont on m’avait tant menacés, me paraissaient désormais beaucoup trop proches. J’étais perdu. J’allais mourir, quoi que je fasse, et ce ne serait pas agréable. Je toussai violemment, mon corps tentant tant bien que mal de se cabrer malgré les liens qui le retenait. Le goût acre du sang envahit ma bouche. J’avais bu le sang de maintes autres personnes, mais jamais le mien. Me croirait-on si je dis que malgré toute l’horreur de ma situation, je le trouvai délicieux ? En vérité, c’était bel et bien le cas, et aujourd’hui il m’apparaît que le vice avait tellement pénétré mon âme qu’il ne me quittait plus, à aucun moment de ma vie. Mais au fond de cette crypte infecte, je ne compris pas que cette agréable sensation révélait ma nature profonde et laissait le liquide carmin dégouliner lentement sur mon menton. Le ruisselet continua sa route le long de mon cou avant de venir tâcher ma tunique de pourpre nauséeux. En suivant des yeux le chemin qu’il traçait, j'eus une idée. Mon cou et ma tête étaient libres de mouvement et en me démenant, je parviens avec les dents à attraper un bout de la corde qui m’enserrait. Elle était longue et faisait le tour du pilier une bonne trentaine de fois, de façon à m’entraver complètement, des épaules aux pieds. Si je parvenais à tirer suffisamment pour relâcher la pression qu'elle exerçait sur moi, je pourrais être plus libre de mes mouvements et descendre de ce sinistre piédestal.
Je serrai le morceau de chanvre entre mes molaires - sentant des filaments de chaire artificielle se loger dans les recoins – et tirais. Je rencontrai d'abord une forte résistance, mais elle s'étiola bientôt devant mes efforts – que je menai, il faut le dire, avec l'énergie du désespoir. Finalement, je ne sentis plus aucune opposition et parviens laborieusement à faire glisser la corde entre mes dents. Ayant ainsi les épaules un peu plus libre, j'extirpai mes bras et saisi son extrémité. J'avais désormais assez de place pour effectuer un demi-tour, me plaçant ainsi face au pilier, tandis que mes liens m'évitaient la chute. Avec un sang-froid qui m'étonna moi-même, je pris appui avec les pieds sur le pilier, puis entamait prudemment la descente par petits bonds, toujours agrippé à la corde - de geôlière, elle était devenue salvatrice. Enfin, je touchai le sol pavé avec soulagement.
J'avisai la grande porte en bois de l'autre coté de la gigantesque salle et me dirigeait précipitamment vers elle résolu à regarder droit devant moi, sans jeter un coup d'œil de plus à ce qu'il y avait autour de moi. J'avais déjà vu plus que je ne pouvais – ou ne voulait – en voir. Je priai – que dis-je j'implorai Dieu - pour qu'elle ne soit pas verrouillée. A vrai dire je ne doutai pas qu'elle l'étais - je ne constituai rien moins que l'ultime sacrifice qui Lui étais offert, l'apogée de la monstrueuse orgie – mais j'étais agité de quelque fol espoir, de ceux qui saisissent les condamnés à mort, lorsque la guillotine connaît quelque défection.
C'est lorsque, fébriles, mes mains tâtonnèrent pour chercher la poignée que je me rendis compte qu'il n'y en avait pas. Le bois était lisse, complètement lisse, lisse et uniforme, sans aucune rayure, ni aspérité, et pourtant, il semblait avoir mille ans. Je devinai que tous mes efforts pour l'enfoncer seraient vains et, découragé, m'assis dos contre l'ultime obstacle à ma liberté. Je n'avais plus qu'à attendre la mort, attendre qu'Elle vienne chercher ce qui lui revenait de droit. Je ne sais combien de temps je restai prostré ainsi, à attendre l'heure fatidique. Finalement, alors que, désespéré, j'avais dans l'idée de mettre moi-même fin à mes jours, un bruit sourd retentit sous mes pieds. Assurément, il y avait là, sous ce sol, quelque cavité secrète. Il me semblait qu'une chose énorme donnait de tout son poids contre ce qui devait constituer le plafond de cette cache. Elle réclamait son dû et Elle semblait frustrée qu'on ne consente pas à lui donner. C'était en vérité bien étrange qu'on ne l'est pas encore fait. Petit à petit, les terribles coups rythmant ma réflexion, il me vient à l'esprit que tout n'avait pas dû se passer comme Valmont le souhaitait. J'ignorais l'identité exacte de la Chose, mais Elle n'était pas de ces invités que l'on fait attendre.
Cette nouvelle manifestation du danger renforça moins mon angoisse qu'elle ne me rendit un peu d'espoir et je pris la résolution de faire le tour de mon cachot, en cherchant dans les murs quelque passage secret oublié. Après tout la demeure de ce traitre de Valmont était fort ancienne, et il avouait lui-même ne pas en connaître tous les secrets. J'étais extrêmement faible et je me traînais avec beaucoup de peine. Mon regard était toujours dirigé fixement sur le mur, la vision du massacre m'attirant toujours autant... Toujours est-il que malgré mes efforts, je ne trouvai aucune passe et au bout d'un certain temps, je rencontrai à nouveau le bois de la porte. Je me résolu alors à explorer l'intérieur de la pièce et à affronter les visages de ceux à qui j'avais survécu.
J'avais vu bien des horreurs dans ma courte vie, je m'étais délecté de la plupart, mais aucune n'arrivait à la cheville de ce qui s'était tramé dans cette crypte, sinistre chapelle qui avait vu les pires débauches s'y dérouler. Valmont, ce chef d'orchestre impétueux et magistral, y faisait venir des filles de toute classe et de petite vertu, et pratiquait en compagnie d'invités choisis des sévices ignobles dont la simple évocation suffirait à faire bondir un moine bigot. J'avais eu l'insigne honneur de faire partie de ce cercle très fermé, et je l'avais moi même enrichi de mes idées, toujours novatrices en matière de luxure. Mais les pensées de Valmont était ailleurs. Alors que, ainsi la plupart de mes comparses, je ne songeai qu'à m'amuser et à laisser aller mes pulsions, lui était tourné vers l'aspect purement blasphématoire de nos activités. Ce gentilhomme de vieille noblesse s'était pris de passion pour l'occultisme, après avoir découvert d'anciens manuscrits laissés par un lointain ancêtre, prétendument sorcier. Dès lors qu'il eût découvert Son existence, il ne pensait plus qu'à la réveiller. Il en parlait longuement, mais jamais clairement, ce qui fît que nous ne vîmes pas les mâchoires du piège dantesque se refermer sur nous.
Du désordre qui suivit Son apparition au milieu de notre orgie rituelle, je ne me rappelles plus que le sourire triomphant qui barrait le visage malingre de Valmont comme une immonde cicatrice, puis je m'évanouis pour me réveiller solidement attaché au pilier. Aussi fus-je surpris, lorsque j'aperçus ce visage parmi les cadavres déchiquetés de mes amis. Ainsi, son entreprise l'avait mené à sa perte. Mais si Valmont était mort, qui donc avait exécuté si méthodiquement ces nourrissons? Je n'aurai jamais permis une chose pareille même l'esprit embrumé par le vin. Et qui m'avait donc attaché si solidement à ce pilier? Mon pied fit un son évocateur en marchant dans une flaque de sang poisseuse. Au même moment, un bruit de pas se fit entendre derrière moi et je me retournai brusquement.
Un homme élégant, richement vêtu, se tenait là. Des yeux bleus, à la fois pénétrants et rieurs me fixaient instamment, surmontés d'une perruque poudrée. Et ce regard semblait venir d'un autre temps, de ces temps qui lorsque on en est au fait, nous font bénir Dieu d'être né en cet age. Impassible, il courba légèrement la tête et me fit un clin d'œil qui n'avait rien de complice. Dès l'instant que je vis cet homme, je su qu'il était capable de tout, qu'il était allé plus loin dans la dépravation que n'importe qui, et qu'il ne reculait devant aucune ignominie, aucune torture morale. Je su également qui avait poignardé les enfants.
Mes sentiments était peur, mêlée de curiosité et également une étrange forme de familiarité comme si je le connaissais depuis toujours. Si j'avais eu l'entière capacité de mon intelligence, j'aurai pu reconnaître l'étrange visiteur occasionnel que Valmont semblait tenir en haute estime et avec qui il s'enfermait parfois des heures, seul à seul dans la grande bibliothèque. Mais dans mon état, je ne le fis pas. Ce sinistre personnage m'avait pourtant beaucoup intrigué fût un temps.
Je n'aurai su définir son age ; il aurait pu tout autant avoir cent ans que seize. Il était beau, mais de cette beauté funeste, qui attire autant qu'elle est inaccessible. Et puis, il y avait quelque chose, quelque chose d'inhumain dans sa façon d'être. Et puis ce regard intense me pétrifiait littéralement sur place. Lui semblait s'amuser de mon trouble.
« Allons Donatien, reprenez-vous! dit-il »
Sa voix était mélodieuse, séduisant. Elle avait cet accent si particulier qui sied aux orateurs, aussi bien qu'aux intrigants de cour.
« Qui...qui êtes-vous donc? demandai-je.
-On me donne bien des noms, dit l'homme. Mais ce n'est pas important. Ecoutez donc! »
En bas, les coups s'étaient tus. Et soudain, un grondement jaillit du sol, et sa force était telle qu'il semblait venir des entrailles de la terre. Effrayé, je me bouchai les oreilles avec force, mais le son résonnait malgré tout, se répercutant à l’infini, compact, sur les parois de ma boite crânienne. L’homme ouvrit la bouche, rejeta la tête en arrière et poussa un hurlement aussi aigu qu’insoutenable. De ma vie, je n’avais entendu pareil cri, et n’en entendit plus jamais.
« Voyons, inutile de trembler ainsi ! me dit-il. Votre situation est déjà assez mauvaise pour que vous soufriez en plus de la peur….
-Je…
-Oh mais si vous me connaissez ! Allons réfléchissez ! Je vous accompagne depuis votre naissance, mon cher Donatien. Et chaque jour qui passe, vous vous rapprochez de moi ! Il fallait donc fatalement que nous nous voyions face-à-face.
-…
-Je vois vos petits yeux fureter partout. Ne vous fatiguez pas mon cher, il n’y a aucune issue ! »
Péniblement, je balbutiai :
« Mais…et vous alors ? Comment êtes vous rentrés ?
-Mais j’étais déjà là, brave compère, comme à mon habitude ! Je vous l’ai dit, je vous accompagne depuis votre naissance ! Vous êtes à moi et vous m’êtes tout acquit, et ce, pour l’éternité ! Mais assez, je ne suis pas ici pour jouer aux devinettes.
-…
-Si je Lui ai demandé de ne pas vous dévorer corps et âme, vous imaginez bien que ce n’est pas pour vos beaux yeux ! Quoique qu’ils sont forts mignons, ces yeux... Plus l’éternité passes, plus je me rends compte à quel point la peur, la souffrance embellit les plus beaux objets. »
J’eus un brusque mouvement de recul, lorsque il s’approcha de moi de sa démarche sinueuse. Confuses, mes pensées se bousculaient, toutes plus contradictoires. Assurément, cette chose était autrement plus dangereuse que la créature d’en bas et à choisir, je ne savais pas lequel de ces supplices était préférable….
Mais la question ne se posait même pas. Lorsque en un mouvement il fût à mes cotés, que je sentis son corps contre le mien, son souffle chaud et répugnant sur ma figure, que je compris qu’aucune fuite n’était envisageable.
« Maintenant Donatien écoutez-moi bien. Ecoutez-moi bien où j’arrache ses deux jolis yeux et vous offre une mort comme nulle n’en a jamais subi ou souhaiter subir. »
Avant que j’aie pu faire quoi que ce soit, il avait posé deux longs doigts sur mon front et j’eus l’impression étrange qu’ils s’enfonçaient dans ma chaire alors qu’ils restaient en place. Une série de convulsions violentes me secoua. Il y eût un éclair bleu puis plus rien. Le noir, le vide, le néant.
Alors un flot d’images défila dans mon esprit malade et je vis ce que je n’aurai jamais voulu voir, jamais. J’aurai voulu hurler, me débattre me je ne pouvais pas, comme prisonnier de l’indescriptible force d’attraction de ces deux doigts plantés dans mon front.
Alors il me parlât. Et j’écoutais.
Quand ce fût fini, je m’écroulais sur le dur sol, haletant. Lui m’observait, impassible.
« Mon Dieu, fût la première chose que je parvint à articuler.
-Il n’y a pas de Dieu, me répondit-il. »
Je le cru volontiers.
****************
« Marquis ! Marquis, réveillez-vous ! »
En sueur, j’émergeai enfin de cet épouvantable cauchemar. Les lueurs pales des lumières de la Bastille éclaireraient ma triste cellule.
Avec peine, j’entrepris de repousser mon valet, qui me secouait sans ménagement. A travers mes paupières entrouvertes, j’entraperçu ma table de travail et le manuscrit ébauché qui traînait dessus. Je pâlis. Ce n’était pas un cauchemar.
Fiévreux, je me levai avec autant de peine que d’empressement et, plume à la main, me précipitai vers mon ouvrage.
« Marquis, enfin, que faites-vous ? me demanda mon domestique.
-Je fais ce qu’Il m’a dit de faire, il y a des années. C’est le moment maintenant. »
Je jetai un coup d’œil au titre du manuscrit, Les Cent Vingt Journées De Sodome.
« Si j’en crois ses paroles, l’histoire se souviendra du Marquis de Sade. »