Je préviens d'avance que cette nouvelle est longue et probablement décevante. Je compte me rattraper, quand l'inspiration daignera me revenir. En attendant, affutez vos critiques. Bonne lecture.
Adossée au rebord de ma fenêtre, je m'oublie. Les pieds pendillants, les doigts incrustés au ciment, j'observe le silence et j'écoute la nature endormie. Marbré par des flocons, nervuré par des ramures, le ciel se décalque au contour des toits irréguliers. En berne à tous les vents, quelques feuilles résistent encore, harpées aux extrémités branlantes de branches maladives et arquées par le temps.
Le crépuscule s'éteint, les étoiles se rallument. Drapée d'un voile de brume, l'obscurité survient.
Le vent ramène à mon oreille quelques vestiges d'un été revêche et décharné. Renouant maintes bribes de mémoire aux jointures de l'avenir, mon esprit se vautre dans un océan de rires ensoleillés.
L'air est chaud. L'herbe fumante. Les dalles asymétriques de la terrasse cuisent la plante des pieds. Le mercure du thermomètre stagne à 37°C. Confinée dans un silence pesant et aride, étendue à l'ombre d'un palmier-nain, je feuillette Comme un roman, les rétines torpillées par les rayons et le crâne au bord de l'insolation.
Nerveuse et irritée, je relève mes cheveux en une couette négligée, essorant quelques mèches vasouillant le long de mes tempes et imbibées de transpiration.
Ma serviette de plage suinte d'une rosée qui s'évapore. Une colonie de fourmies méthodiquement rangée s'enchevêtre dans ses replis avec ténacité. En quelques chiquenaudes frénétiques j'en expulse la moitié et balaye le reste contre la pelouse moite et décolorée.
J'ai soif.
Ne me fiant qu'à la force vacillante de mes muscles, je pose mes bras de part et d'autre de mon corps. J'inspire à plein poumons et me redresse, avec effort.
Il est là.
Du revers du bras, Luka éponge la sueur qui perle sur son front. Torsu nu, une clope consumée au trois quart entre son index et son majeur, il s'accoude au portillon, se brûle et se ravise. Ses lèvres se crispent autour d'un mot cru et expressif.
Je souris.
Il me fait signe.
- Tu viens avec moi sur la digue puce ?
- Seulement si tu me laisses m'habiller correctement.
- T'es sexe pourtant en bikini...
- Meuh oui, meuh oui. Vachement.
Il me jette un clin d'oeil.
- Bon, tu fais vite hein...
J'opine du chef et sautille sur les graviers qui me séparent de la baie vitrée. Lui lâche sa cigarette sur le seuil et l'écrase sous son talon.
- Puis-je tout de même rentrer en attendant que Madame soit coquettement parée ?
- Il est fort quand même ton père. Avec une petite saucisse comme ça il a réussi à faire une grande andouille comme toi.
Il se bidonne.
- Oui, bon, ça répond pas à ma question.
- Bah écoute, ça dépend de si tu sens la cigarette ou non...
- Viens me faire un bisou et tu le sauras...
Ca y est, il commence avec ça.
Je m'approche de lui, amusée et méfiante, lui tournant autour, guettant le moindre geste suspect.
Le voilà alors qui bondit à cloche-pieds, se cambre, se penche, me tend vivement sa joue, la tapote du bout d'un doigt et souligne le tout d'un sourire théâtralement niais et de battements de cils couillons au possible.
Il va me rendre folle.
Je me marre à mon tour. Faussement frustré, il s'essaye au remake du regard "Chat Potté".
Il n'en faut pas plus.
Et je cède. Me jette sur lui. Passe mes bras autour de son cou. Niche ma tête au creux de son épaule. Et je ferme les yeux.
Amor pour homme de Cacharel. After-shave. Gel douche Axe.
Il a osé...
- Tu fais exprès.
- Moi ? Non... Jamais.
Juré, un jour, j'le mangerai.
Il tourne la tête vers moi, sa respiration chaude survolant ma peau. Au diable l'haleine de clope, de nicotine et de tabac...
- Au fait, puce, tu pars quand ?
- D'ici à trois jours...
- Putain. C'est dur.
- C'est court.
Je sens ma gorge se resserrée, pressée par un étau à l'alliage de nostalgie et de spleen compactés.
Il aurait pu m'éviter ça, merde.
Sensible à mon émotion, il glisse doucement ses mains sur mes hanches, joignant davantage nos deux corps ardents de soleil et d'envie.
- Pleure pas. Tu risques de noyer ces étoiles qui scintillent dans tes yeux.
Surprise et charmée, je fixe les siens, n'y distinguant que mon reflet, vague et bleuté.
- Je peux ?
J'acquiece.
D'un geste habile il relâche alors ma longue chevelure qui se libère en une cascade brune ondulée.
- Comme ça t'es encore plus jolie.
Il s'amuse à entortiller quelques mèches puis m'attire au plus près de lui.
Il me sourit.
Et il m'embrasse.
Je sens mes jambes fléchir et mon coeur prendre des ailes. J'ignore quel est le courant qui s'est établit entre nous. Il était éloquent, véhément et n'a laissé de cette union qu'un frisson électrique et des sensations sans précédent.
La raison sommeille. La passion s'éveille.
Mes lèvres s'abandonnent librement sur les siennes, l'ivresse de l'extase s'écoulant dans nos veines. Je ne crains rien. Ni que ce soit trop instantané. Ni que se soit complètement insensé.
Je suis de toute manière trop saoûle d'ardeur pour riposter.
Il me plaque contre le mur de pierre.
La roche déchire et écorche mon dos. Ses caresses s'égarent hardîment sur ma peau. Les secondes se confondent. Enivrés de désir, drogués de plaisir, la trappe charnelle nous éloigne du réel.
Et seuls nos coeurs et leurs battements rythment les heures, dominent le temps.
Attrapant mes cuisses, il les réhausse et les accole à sa taille. Je m'accroche à lui. Mes ongles se plantent dans son échine, provoquant plusieurs râles exaltant sa poitrine.
La porte de ma chambre grince. On manque de trébucher. Nos langues se délient pour vibrer en un même écho de rire incontrôlé. La lumière est tamisée par deux rideaux de voiles aux couleurs chaudes. L'odeur étouffante du bois et de l'encens s'entremêlent et nous enveloppe.
Il tourne sur lui-même. On s'affale.
Le matelas rebondit et se déforme sous notre étreinte. Moi sur lui. Lui sur moi.
De son index, il rajuste mon visage à hauteur du sien. Sa bouche divague alors sur mon nez, mon cou, ma poitrine, mes épaules, mon ventre plat. Puis elle revient vers la mienne. Et on s'embrasse encore, tendrement, fougueusement.
Je t'aime. Tellement.
Mes doigts serpentent l'implantation irrégulière de ses cheveux, effleurant dans la continuité son dos mat et cambré.
Je t'aime. Comme jamais.
- Parc'qu'avant que tu ne t'envoles, que tu ne repartes là-bas, laisse moi te montrer le septième ciel et te faire goûter au nirvana."
Je saute à terre, m'étale dans les congères. La nuit me mord et me dévore.
Il était une fois, par un bel été, toi et moi... Mais le vent est là, qui balaye le sol et tout nos souvenirs. Le vent est là, qui glisse sur l'horizon, avale les frontières, enterre l'arrière saison et amorce l'hiver. Et l'hiver c'est pas l'été. C'est pas l'été ni la chaleur de ton corps. C'est juste l'hiver. Triste et froid, comme le marbre de ta pierre.
Et je regarde les étoiles, ces astres lumineux que jadis tu voyais dans mes yeux.
Personne ne m'a dit qu'ils y brillaient encore, depuis que tu es devenu l'un d'eux...
Copyright © Noémie, Janvier 2008.
Mais le vent est là... |
1/13 |
14/01/2008 à 17:37 |
je n'ai aucune critique a faire tres beau texte absolument
Mais le vent est là... |
2/13 |
14/01/2008 à 17:40 |
Tu fais bien de mettre un © magnifique texte !
Mais le vent est là... |
3/13 |
14/01/2008 à 17:45 |
excellent, comme à ton habitude et quoi que tu en dises Am ....
Mais le vent est là... |
4/13 |
14/01/2008 à 17:48 |
Wow. J'en ai le souffle coupé. C'est... indescriptible, en fait. Surtout la deuxième partie. Que dire de plus ? Admirablement bien écrit, tellement empreint d'émotion que ça vous fouette le coeur.
Seule petite critique, même chose que d'habitude : trop, trop, trop soutenu, c'en est presque désagréable au début, mais la profondeur du texte chasse cette impression après quelques lignes.
Mais le vent est là... |
5/13 |
14/01/2008 à 17:52 |
c'est super beau..
Bravo
Mais le vent est là... |
6/13 |
14/01/2008 à 19:57 |
Wow...
Je trouve à chaque fois que tu écris merveilleusement bien, que tu sais tout décrire d'une façon tellement proche de la réalité que tes mots nous font vivre tes histoires, tes nouvelles, on ne lit pas seulement ton texte, on le vit également. =)
Mais le vent est là... |
7/13 |
14/01/2008 à 20:22 |
Waouh ...
J'adore tout simplement...
Tu écris magnifiquement bien !
Continue comme ca sérieux...
Mais le vent est là... |
8/13 |
14/01/2008 à 21:09 |
Certaines passages m'ont laissée bouche-bée.
"Mes lèvres s'abandonnent librement sur les siennes, l'ivresse de l'extase s'écoulant dans nos veines. Je ne crains rien. Ni que ce soit trop instantané. Ni que se soit complètement insensé.
Je suis de toute manière trop saoûle d'ardeur pour riposter.
Il me plaque contre le mur de pierre.
La roche déchire et écorche mon dos. Ses caresses s'égarent hardiment sur ma peau. Les secondes se confondent. Enivrés de désir, drogués de plaisir, la trappe charnelle nous éloigne du réel.
Et seuls nos coeurs et leurs battements rythment les heures, dominent le temps."
Les rimes donnent une lecture vraiment très agréable. L'ensemble est très beau.
Juste une petite chose qui m'a gênée: les pieds "pendillants"?
Mais le vent est là... |
9/13 |
14/01/2008 à 21:48 |
Suave a écrit :
Juste une petite chose qui m'a gênée: les pieds "pendillants"?
Dans l'image de pendillant, je voyais qui pendillent, enfin, relâchés quoi... xD
Anti gone a écrit :
Seule petite critique, même chose que d'habitude : trop, trop, trop soutenu, c'en est presque désagréable au début, mais la profondeur du texte chasse cette impression après quelques lignes.
Oui je sais, le début est légèrement vraiment soutenu, mais c'était à la base le premier jet d'un ancien texte... Je l'ai recyclé pour avoir l'effet de coupure voulue présent/passé, sauf que je ne me suis pas attardée à le remodifier :s j'essayerai, au prochain peaufinage
En tout cas, je vous remercie tous du fond du coeur, je n'm'attendais sincèrement pas à des impressions pareilles. Ca fait extrémement plaisir
Am Stram Gram.
Mais le vent est là... |
10/13 |
15/01/2008 à 00:09 |
Up-idoo.
Am Stram Gram.
Mais le vent est là... |
11/13 |
15/01/2008 à 20:16 |
Alors là, j'up.
C'est incroyable comment t'écris bien, j'en perds mes mots.
Franchement bravo, tu fais vivre une histoire banale comme personne. C'est beau sans s'enfoncer dans le mélo, c'est vivant, sans être trop familier ...
Nan vraiment, chapeau bas !
ça donne envie d'écrire tiens !
(Juste, "Je sens ma gorge se resserrer", et pas resserrée)
Mais le vent est là... |
12/13 |
15/01/2008 à 21:44 |
CLAIRE_ a écrit :
(Juste, "Je sens ma gorge se resserrer", et pas resserrée)
Oh oui, bien vu
J'étais.. Fatiguée
Merci beaucoup pour ton avis et la correction, venant d'une personne qui écrit aussi bien que toi, c'est pour le moins... encourageant et très touchant !
Am Stram Gram.
Mais le vent est là... |
13/13 |
15/01/2008 à 22:01 |
Sextasie a écrit :
Wow...Je trouve à chaque fois que tu écris merveilleusement bien, que tu sais tout décrire d'une façon tellement proche de la réalité que tes mots nous font vivre tes histoires, tes nouvelles, on ne lit pas seulement ton texte, on le vit également. =)
absolument ton vocabulaire est tellement riche
MAGNIFIQUE
tout simplement