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Kamy |
nouvelle |
5 |
04/04/08 à 20:52 |
A 17 ans, j’ai perdu mes oreilles.
Cette perte n’est ni résultat d’un accident qui aurait provoqué la mort subite de ces deux organes ni celui d’une étrange dissolution comme l’enfant qui observe le médicament disparaître au fond du verre.
Non. J’ai perdu l’ouie sans qu’elle ait le temps de me donner la moindre explication. Elle est partie avec la pluie, avec l’averse qui arrosait mon corps sous la douche trop chaude. Je me souviens avoir entendu le crépitement des gouttes au contact de l’émail, le bruit du savon qui glisse de mes mains et rencontre le sol, puis subitement, la terre se tut.
L’intrigue précéda la panique. Les premières minutes dans la peau d’une jeune fille sourde furent les plus longues. Je secouai la tête, me nettoyai les oreilles de mille et une façons… je me mis à bout de nerfs, j’étais dans un état quasi second. Je me tapai la tête au mur.
Il m’a calmé.
Après la panique, j’ai connu le désespoir voyant le médecin éviter le regard de ma mère avant de lui annoncer la mauvaise nouvelle. Ce fut toujours la même. Son air de désolation me glaça. Il ne savait pas. J’ai passé des tas d’examens médicaux et je me suis vue perdre espoir en comprenant que même l’appareil auditif ne pouvait rien pour moi. J’ai sillonné la Belgique. J’ai rencontré les uns après les autres spécialistes et charlatans.
Je demeurais inlassablement ignorante.
Lorsque mes crises, mes rages et mes révoltes furent passées, j’ai commencé à accepter. J’ai compris alors l’importance de nos fameux cinq sens. Cette inconnue maladie était-elle une revanche du ciel, une conséquence céleste où – gamine - j’oubliais l’ouie en récitant mon cours de biologie ?
Les cinq sens des handicapés sont touchés mais c'est un sixième qui les délivre ; bien au-delà de la volonté, plus fort que tout, sans restriction, ce sixième sens qui apparaît, c'est simplement l'envie de vivre. L’audition m’avait été volée et mon sixième sens, j’ai fini par le trouver. Je passais des journées entières à regarder des films que je connaissais par cœur, j’avais le script en tête, je me sentais actrice. Je regardais parler les gens à défaut de ne pouvoir les entendre. J’ai appris à lire sur les lèvres, à comprendre la ponctuation, à la sentir dans les gestes et les expressions des comédiens. J’ai appris à entendre avec mes yeux. Mon sixième sens, c’était l’observation. J’observais énormément et je ne m’en lassais pas. Les détails les plus subtils qui m’avaient échappés auparavant pouvaient changer mon entière vision des choses. J’ai redécouvert le monde.
Aujourd’hui, je considère cette perte comme une chance. C’est une porte qui s’est ouverte, un tapis rouge qui s’est déroulé devant mes pieds me rappelant les contes de fées de ma si tendre enfance. Il m’a fallu le temps avant de le percevoir mais – c’est bien connu - le temps mûrit toute chose ; par le temps, toute chose devient évidence ; le temps est père de la vérité.
D’un autre coté, j’ai traversé une période horrible. Tout est devenu silence. Si bien la musique qui me berçait et m’aidait à m’endormir que les hurlements de ma petite sœur qui m’avaient tant de fois réveillée. Je n’entendais plus le bruit savoureux des oignons qui rissolent dans la poêle usée de ma grand-mère, je n’entendais plus la sonnerie du téléphone, ni celle du réveil, je ne m’entendais plus chanter. Je ne chantais plus. Je n’avais pas perdu le goût de la vie mais j’avais pour ainsi dire oublié. Oublié un sens après en avoir perdu un autre. Je ne parlais plus, ne sifflais plus. Seuls mes cris de rage réveillaient mes lèvres minces. Je me vis découronnée, j’avais perdu mon statut de pipelette en même temps que mes oreilles. Le monde était devenu autre. Il en était terminé des sorties entre copines, je n’étais plus si importante à leurs yeux. En tout cas, c’est la sensation que j’avais. Après m’avoir plainte, m’avoir couverte de cadeaux, mes si fidèles amies me détrônaient à leur tour. Je n’étais plus le nombril de la terre, je n’étais plus intéressante, je n’avais pas d’oreilles.
J’ai fini par me replier sur moi-même, je m’inventais un monde muet où même les elfes avaient perdu se sens que je ne connaissais plus vraiment. Mes lèvres n’affichaient plus de sourires. C’est uniquement pour les éternelles photos de classe qu’elles prenaient la pose. Alors, je sentais les regards braqués sur moi. « Elle souriait. »
Je passais mes journées à écrire, à rêvasser. Je dessinais très bien, quoique mes seuls dessins représentaient des bouches, des lèvres. J’avais tellement observé, tellement fixé mon regard sur ce secteur que même dans mes rêves, je ne voyais plus que des mandibules. Je pouvais identifier quiconque à ses lèvres. Mais bientôt, mon obsession pour l’identification devint écoeurement.
Peu à peu, j’oubliai la voix de mes parents, celle de ma sœur, la mienne… Souvent je me disais que la surdité n’a que peu d’importance quand l’esprit entend. J’avais appris à entendre avec l’esprit mais j’en avais abusé. Mon esprit était abîmé, vieux, fané, sourd. Je ne goûtais plus.
Pourriez-vous m'aider a trouver une suite s.v.p? Que pourrait-il se passer? Merci de ne pas vous aproprier mon histoire qui n'est en aucun cas autobiographique.
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1/5 |
04/04/2008 à 20:59 |
Pour la suite je t'avoue que dans mon état actuel (3 grande heures de devoir de math cette aprem -3615mavie) j'ai plus trop la force d'imaginer. Mais sinon, ton texte est sublime, il s'enchaine bien.
Bon, il faut dire que ca me touche beaucoup ce genre de sujet, j'ai écris un petit quelque chose aussi sur une personne muet.
Bravo en tout cas
nouvelle |
2/5 |
04/04/2008 à 21:20 |
tres beau texte
c'est touchant de voir un texte sur un handicap
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3/5 |
04/04/2008 à 21:39 |
Wow!
J'avoue, c'est (très) rare que j'apprécie un texte sur SE, mais là je te dis bravo! J'ai lu jusqu'au bout, ton texte est très bien écrit! Continue-le! Même si je n'ai pas non plus d'idée pour la suite...
Mais je suis sûre que tu auras une bonne idée
Edit: je viens de voir sur un de tes précédents topics que tu voulais l'envoyer pour un concours! C'est génial
nouvelle |
4/5 |
05/04/2008 à 16:17 |
j'ai une suite mais elle ne plait a personne... je vais la changer pour le concours mais je la garde quand meme tout pres de moi parce qu'elle me plait... meme si je ne m'identifie sous aucun point avec la narratrice...Merci pour vos commentaires...
A 17 ans, j’ai perdu mes oreilles.
Cette perte n’est ni résultat d’un accident qui aurait provoqué la mort subite de ces deux organes ni celui d’une étrange dissolution comme l’enfant qui observe le médicament disparaître au fond du verre.
Non. J’ai perdu l’ouie sans qu’elle ait le temps de me donner la moindre explication. Elle est partie avec la pluie, avec l’averse qui arrosait mon corps sous la douche trop chaude. Je me souviens avoir entendu le crépitement des gouttes au contact de l’émail, le bruit du savon qui glisse de mes mains et rencontre le sol, puis subitement, la terre se tut.
L’intrigue précéda la panique. Les premières minutes dans la peau d’une jeune fille sourde furent les plus longues. Je secouai la tête, me nettoyai les oreilles de mille et une façons… je me mis à bout de nerfs, j’étais dans un état quasi second. Je me tapai la tête au mur.
Il m’a calmé.
Après la panique, j’ai connu le désespoir voyant le médecin éviter le regard de ma mère avant de lui annoncer la mauvaise nouvelle. Ce fut toujours la même. Son air de désolation me glaça. Il ne savait pas. J’ai passé des tas d’examens médicaux et je me suis vue perdre espoir en comprenant que même l’appareil auditif ne pouvait rien pour moi. J’ai sillonné la Belgique. J’ai rencontré les uns après les autres spécialistes et charlatans.
Je demeurais inlassablement ignorante.
Lorsque mes crises, mes rages et mes révoltes furent passées, j’ai commencé à accepter. J’ai compris alors l’importance de nos fameux cinq sens. Cette inconnue maladie était-elle une revanche du ciel, une conséquence céleste où – gamine - j’oubliais l’ouie en récitant mon cours de biologie ?
Les cinq sens des handicapés sont touchés mais c'est un sixième qui les délivre ; bien au-delà de la volonté, plus fort que tout, sans restriction, ce sixième sens qui apparaît, c'est simplement l'envie de vivre. L’audition m’avait été volée et mon sixième sens, j’ai fini par le trouver. Je passais des journées entières à regarder des films que je connaissais par cœur, j’avais le script en tête, je me sentais actrice. Je regardais parler les gens à défaut de ne pouvoir les entendre. J’ai appris à lire sur les lèvres, à comprendre la ponctuation, à la sentir dans les gestes et les expressions des comédiens. J’ai appris à entendre avec mes yeux. Mon sixième sens, c’était l’observation. J’observais énormément et je ne m’en lassais pas. Les détails les plus subtils qui m’avaient échappés auparavant pouvaient changer mon entière vision des choses. J’ai redécouvert le monde.
Aujourd’hui, je considère cette perte comme une chance. C’est une porte qui s’est ouverte, un tapis rouge qui s’est déroulé devant mes pieds me rappelant les contes de fées de ma si tendre enfance. Il m’a fallu le temps avant de le percevoir mais – c’est bien connu - le temps mûrit toute chose ; par le temps, toute chose devient évidence ; le temps est père de la vérité.
D’un autre coté, j’ai traversé une période horrible. Tout est devenu silence. Si bien la musique qui me berçait et m’aidait à m’endormir que les hurlements de ma petite sœur qui m’avaient tant de fois réveillée. Je n’entendais plus le bruit savoureux des oignons qui rissolent dans la poêle usée de ma grand-mère, je n’entendais plus la sonnerie du téléphone, ni celle du réveil, je ne m’entendais plus chanter. Je ne chantais plus. Je n’avais pas perdu le goût de la vie mais j’avais pour ainsi dire oublié. Oublié un sens après en avoir perdu un autre. Je ne parlais plus, ne sifflais plus. Seuls mes cris de rage réveillaient mes lèvres minces. Je me vis découronnée, j’avais perdu mon statut de pipelette en même temps que mes oreilles. Le monde était devenu autre. Il en était terminé des sorties entre copines, je n’étais plus si importante à leurs yeux. En tout cas, c’est la sensation que j’avais. Après m’avoir plainte, m’avoir couverte de cadeaux, mes si fidèles amies me détrônaient à leur tour. Je n’étais plus le nombril de la terre, je n’étais plus intéressante, je n’avais pas d’oreilles.
J’ai fini par me replier sur moi-même, je m’inventais un monde muet où même les elfes avaient perdu se sens que je ne connaissais plus vraiment. Mes lèvres n’affichaient plus de sourires. C’est uniquement pour les éternelles photos de classe qu’elles prenaient la pose. Alors, je sentais les regards braqués sur moi. « Elle souriait. »
Je passais mes journées à écrire, à rêvasser. Je dessinais très bien, quoique mes seuls dessins représentaient des bouches, des lèvres. J’avais tellement observé, tellement fixé mon regard sur ce secteur que même dans mes rêves, je ne voyais plus que des mandibules. Je pouvais identifier quiconque à ses lèvres. Mais bientôt, mon obsession pour l’identification devint écoeurement.
Peu à peu, j’oubliai la voix de mes parents, celle de ma sœur, la mienne… Souvent je me disais que la surdité n’a que peu d’importance quand l’esprit entend. J’avais appris à entendre avec l’esprit mais j’en avais abusé. Mon esprit était abîmé, vieux, fané, sourd. Je ne goûtais plus. J’ai vécu de longues années dans la monotonie. J’étudiais énormément, je dormais beaucoup et souvent, ma chambre était dans un désordre constant. J’ai réussi mon année scolaire. C’était le but que je m’étais fixée. Une fois ce but atteint, je ne connaissais plus la raison pour la quelle j’ouvrais les yeux tous les matins. Je lisais, je lisais beaucoup.
En septembre 2007, je me vis placée dans une école spécialisée pour sourds et malentendants: Une incitation au suicide, invitation discrète à me pendre. Je ne supportai pas. J’ai donc eu droit à des cours particuliers et j’ai terminé ma scolarité. Je me sentais autre, je n’étais plus moi. Je me noyais dans la pure folie.
C’est en février 2008, le jour de mes 18 ans que je l’ai tuée. Ca n’a pas duré longtemps, c’est très simple de commettre un crime. Elle était petite et frêle. Je l’aimais plus que tout, surtout pour son mutisme qui me faisait oublier mes symptômes. Elle ne parlait pas. Je ne la voyais que pleurer dans son lit de bébé encore trop grand pour elle. Je n’ai jamais compris. Elle hurlait ce soir là. J’ai eu l’impression de l’entendre et puis elle s’est tue. Mes mains encore posées sur son cou délicat sont devenues glaçon. Je me suis couchée à coté du lit et j’ai dormi. J’étais heureuse, j’avais enfin trouvé mon silence.
J’ai dormi longtemps jusqu'à ce que ma mère me réveille. J’étais euphorique bien que peu fière, mais j’avais presque oublié mon acte. Tout a été très vite. Les médecins ont confirmés les traces laissées par mes mains glacées. Je n’ai rien nié et je n’en éprouvais pas le besoin. Il y a eu les regards noirs de ma mère, les interrogatoires toujours trop brefs :
- Vous l’aimiez ?
- Passionnément.
- Pourquoi avez-vous commis cet acte?
- Je ne sais pas.
On me demandait incessamment si j’avais quelque chose à ajouter mais je ne savais rien. Tout ça ne ressemblait en rien aux films que je regardais le soir à la télévision. Mes yeux restaient fixés sur le papier blanc où on me notait des questions. Il n’y avait pas de lumière éclatante qui venait les titiller, l’agent ne tournait pas autour de moi pour me rendre dingue. Peut-être l’étais-je déjà… Mes mains ne tremblaient pas, je n’étais pas nerveuse. Les interrogatoires ne me dérangeaient pas. J’éprouvais même comme de la sympathie pour mon avocat. Les cafés qu’il m’offrait étaient délicieux.
C’était la première fois de ma vie que j’assistais à un procès mais ce n’était pour moi qu’une journée comme les autres. J’ai du expliquer encore une fois pourquoi j’avais tuée ma sœur. J’ai dit que j’ignorais. Le juge a requis une dernière fois que je raconte comment « ça s’était passé ». C’était inutile mais j’ai obéi. Il m’a alors demandé si j’aimais ma sœur et j’ai répondu comme toujours par ce mot unique qui ne me contentait aucunement. Je ne connaissais pourtant pas de mot plus fort que celui-là. « Passionnément ». Je ne me souviens plus exactement du reste du procès. Tout c’est déroulé sur un tableau blanc sur lequel on projetait les questions qui m’étaient posées. Je répondais oralement. Ma mère à pleuré et je l’ai consolée. On m’a expliqué que comme j’avais atteint ma majorité, la maison de correction ne pouvait plus m’accepter. J’ai donc eu droit à la prison. J’éprouvais presque de la fierté.
C’était une pièce vide, il ne faisait pas froid. Le carrelage trop blanc me rappelait le sol de la douche qui m’avait pris mes oreilles. On m’a enlevé les menottes inutiles. Je me suis assise sur la chaise et j’ai dessiné. Ils m’ont enfin laissé en paix.
J’ai entendu la clef tourner dans la serrure et j’ai souri. J’étais heureuse.
nouvelle |
5/5 |
10/04/2008 à 19:34 |
Je trouve ça très beau franchement, c'est vrai que y'a peu de textes bien sur SE mais lui je l'aime beaucoup...
Voilà j'te dis bravo !
ah et aussi je trouve la suite bien écrite etc mais très étrange...je trouve quelle ne colle pas avec le début,tout va trop vite à mon goût et...je sais pas ça cloche et après j'aime pas trop cette idée morbide qu'il y a dedans ^^