Bon alors c'est l'ébauche d'une scène dans un projet d'écriture collective de pièce...
D'où le coté volontairement confus et part-en-couille du truc, avec les changements de temps et de personne.
Si je garde ce texte je le diviserai en plusieurs parties pour en faire un dialogue.
Vous me dites si ça vous parle ou si c'est du grand n'importe quoi, j'ai du mal à gérer la part d'absurde et de logique.
Merci !
C'était écrit : les gens heureux n'ont pas d'histoire. C'était là sous nos yeux et nous n'avons rien vu.
Dites plutôt qu'on se bouchait les oreilles pour ne pas entendre nos propres cris. Et puis parfois, à la faveur de la nuit... on entrevoit ces crimes instinctifs ou passionnels au détour d'une ruelle. Ceux qui déchaînent et qui font mal. Ceux qu'on regrette dès la lumière du jour – ils nous paraissaient pourtant si sensés à la lueur des réverbères !
C'est que la nuit change les hommes – tous les insomniaques vous le diront.
Les légendes ne partent jamais du néant. Pourquoi croyez-vous qu'on ait exalté le pouvoir de la lune ?Pourquoi, surtout, croyez-vous qu'on lui obéit ? Les loup-garou qui nous faisaient si peur quand on était petits – en fait c'était nous.
C'était là, en nous, et on ne le voyait pas. On avait beau s'examiner sous toutes les coutures dans le miroir, et ouvrir les mâchoires, et même creuser des trous dans nos propres corps – pour voir, vous comprenez ? Juste pour savoir ce qu'il y avait dedans.
On avait beau. On ne voyait rien. Il y avait cette couleur indéfinie, pourtant, dans nos yeux – bleu vert marron jaune quelle importance ? C'était la même. Un brouillard. Et dans ce brouillard, il y avait un enfant qui pointait sur vous un index accusateur. Ses lèvres articulaient toujours la même chose : tu as grandi.
Et on ne voulait pas le croire.
Alors on arrêtait de manger – pour arrêter de grandir.
Parce qu'il y avait cette comptine, vous vous souvenez ?
« Petit ange il faut que tu manges
Celui qui ne mange pas jamais il ne grandira »
On nous la chantait à la cantine ou à la maison, les jours où l'assiette restait désespérement pleine. Et on se mettait à y croire ! C'est donc si facile ?
Mais l'enfant en nous continuait de croître. Jusqu'à devenir grand et là c'était déjà trop tard.
Alors l'enfant en nous voulait tuer l'adulte que nous étions devenu.
C'est ça qui refermait nos doigts sur une lame de rasoir, c'est ça qui nous poussait à tresser le noeud coulant ou à grimper au plus haut d'un immeuble pour observer la ville en contrebas et SPLASH dans la mare de béton ! C'était tellement beau et nous ne voyions rien.
On nous disait que c'était mal.
Qu'il ne fallait pas sauter.
Que nos vies ne nous appartenaient pas.
Qu'elles étaient à Dieu, à nos proches, à l'humanité ; en tout cas pas à nous. Alors il fallait supporter. Relever la tête. Faire taire le gosse dans le brouillard de nos yeux qui continuait à nous dire : « tu n'es pas quelqu'un de bien. Tu avais pourtant promis de ne jamais grandir ».
Et on se souvenait de nos serments d'enfants. Qui n'a jamais juré ? « Je ne grandirai pas ».
Certains d'entre nous se sont même écrits des lettre destinées à eux-mêmes – des lettres où il fallait lire à travers les lignes – des lettres qui voulaient toutes dire la même chose : Si tes seins poussent, si ta barbe pousse, si tu vas au collège, si tu ne vois plus rien dans les nuages, si tu n'arrives plus à voler, si du sang coule entre tes jambes alors saute. C'est que tu seras devenu grand...
Mais on finit tous par oublier cette promesse.
Alors on tue. Jour après jour. On tue les autres et on se tue soi-même. Pas directement, non : on est trop lâches pour ça – on est des adultes. On se tue au travail. On se tue au lycée. On se tape la tête contre les murs, en vrai ou en pensée et on crie dans nos têtes et on hurle à s'en claquer les cordes vocales – et on n'entend pas. Et on s'en fout ! Pourvu qu'on nous haïsse – pourvu qu'on se haïsse.
A la Claire fontaine, m'en allant promener
J'ai trouvé l'eau si belle que je m'y suis noyé...
On prie pour que ce soit vrai mais comme on n'y croit plus... il y a longtemps que ça ne marche plus.
Et puis un jour ça s'arrête. Tout devient blanc dans la tête et on monte au sommet du plus haut immeuble de la ville et on regarde en bas et on se dit « comme le monde est grand ! » et puis on saute.
Ou alors on prend un couteau et on plante le premier passant bien profondément dans le thorax – pour retrouver l'instinct, l'enfant en nous, celui qui ne réfléchissait pas, celui qui se foutait de la morale et de l'éthique. On veut retrouver ce qui nous faisait vivant.
On se souvient de ce qu'on pensait alors confusément, de ce qu'on ressentait sans raisonnement :
A quoi sert la vie si on ne la met pas en jeu ?
Pourvu qu'on nous haïsse {ébauche de théatre} |
1/4 |
13/06/2011 à 01:34 |
Les légendes ne partent jamais du néant. Pourquoi croyez-vous qu'on ait exalté le pouvoir de la lune ?Pourquoi, surtout, croyez-vous qu'on lui obéit ? Les loup-garou qui nous faisaient si peur quand on était petits – en fait c'était nous.
J'aime beaucoup ce passage parce qu'il rejoint le livre que je lis en ce moment.
Dans l'ensemble je trouve ça sympa, l'idée de départ me plaît. Mais (y'en a toujours un qui vient faire chier hein *_*) je trouve que ce n'est pas suffisamment creusé. D'ailleurs, est-ce que cet extrait reprend le thème principal de cette future pièce ou n'est-ce qu'un sous-thème ?
Pourvu qu'on nous haïsse {ébauche de théatre} |
2/4 |
13/06/2011 à 01:40 |
Frosties a écrit :
Les légendes ne partent jamais du néant. Pourquoi croyez-vous qu'on ait exalté le pouvoir de la lune ?Pourquoi, surtout, croyez-vous qu'on lui obéit ? Les loup-garou qui nous faisaient si peur quand on était petits – en fait c'était nous.
J'aime beaucoup ce passage parce qu'il rejoint le livre que je lis en ce moment.
Dans l'ensemble je trouve ça sympa, l'idée de départ me plaît. Mais (y'en a toujours un qui vient faire chier hein *_*) je trouve que ce n'est pas suffisamment creusé. D'ailleurs, est-ce que cet extrait reprend le thème principal de cette future pièce ou n'est-ce qu'un sous-thème ?
A vrai dire cette pièce n'est encore qu'une très très vague idée... m'est avis qu'elle ne sera pas concrétisée avant longtemps. On ne peut pas vraiment parler de thème, disons plutot que ça va peut-etre tourner autour de l'opposition instinct/conditionnement, bestialité/morale. Donc oui, le coup de loup-garou symbolisant tout ça sera creusé plus à fond, j'imagine.
C'est quoi que tu lis en ce moment ? Que je me retrouve pas à faire du plagiat sans le savoir !
Et merci pour ta critique... vu comme tu boules les gens sur ce forum je m'estime assez épargnée !
Pourvu qu'on nous haïsse {ébauche de théatre} |
3/4 |
13/06/2011 à 01:44 |
Le Tentateur, d'Hermann Broch.
Ça serait intéressant que tu postes d'autres extraits quand elle aura avancée, enfin mouah ça m'intéresserait en tous les cas.
[ Je fais exception quand je sens du potentiel
].
Pourvu qu'on nous haïsse {ébauche de théatre} |
4/4 |
13/06/2011 à 01:57 |
A quoi sert la vie si on ne la met pas en jeu ?
Cette chute est géniale.
J'aime assez le texte, on rentre bien dans l'atmosphère. Cool pour le théâtre.
(et j'approuve : de futurs extraits seraient les bienvenus
)