De pie, cantar
que vamos a triunfar
Avanzan ya
banderas de unidad !
Ils se comptaient en milliers, une masse compacte de manifestants qui s'étendait sur des kilomètres. A travers toute la France, ils représentaient sous doute plusieurs millions. Ils marchaient, le poing levé, en chantant le plus célèbre des chants révolutionnaires.
Y tú vendrás
marchando junto a mí
y así verás
tu canto y tu bandera florecer !
Damien était comme dans un rêve. Le poing brandi vers le ciel, le regard brillant de mille promesses, il vivait ce qu'il espérait depuis des années. Son autre main était serrée sur la hampe d'un long drapeau noir qui glissait dans le vent.
A sa gauche, Samira, une militante appartenant au même syndicat que lui, était juchée sur les épaules de Manu, jeune homme au crâne herissé de dreadlocks. Damien croisa le regard de la jeune fille, et lui renvoya un sourire resplendissant.
La luz
de un rojo amanecer
anuncia ya
la vida que vendrá.
De pie, luchar
el pueblo va a triunfar !
Les habitants du quartier bourgeois où progressaient à présent les manifestants s'étaient barricadés au sein de leurs immenses villas, et contemplaient le cortège d'un oeil parfois effrayé, souvent critique.
Damien était étonné de ne pas avoir entrevu un seul uniforme bleu. Depuis vingt minutes que durait le rassemblement instantané, les CRS auraient dû largement avoir le temps de s'organiser ! Habituellement, les émeutes ne duraient pas un quart d'heure qu'une pluie de coups de matraque assaillait les participants. Sans doute les forces de l'ordre répugnaient-elles à aller droit au casse-pipe, les unités de CRS locales n'excédant pas les deux mille effectifs.
Les images de mai 68 défilèrent derrière les yeux de Damien, tandis qu'il hurlait avec les autres :
EL PUEBLO UNIDO JAMAS SERA VENCIDO !
EL PUEBLO ARMADO JAMAS SERA APLATADO !
Soudain, des sirènes se manifestèrent, vrillant les oreilles des milliers d'émeutiers, provoquant des "ouuuuuh !" dans leurs rangs. Le chant révolutionnaire s'interrompit totalement, tandis que des dizaines de voitures de police dépassaient la manifestation.
Les émeutiers purent parcourir encore une centaine de mètres, avant d'être immobilisés. Damien, Samira et Manu, placés aux premières loges, tombèrent nez à nez avec un barrage de CRS.
- Tiens, les Compagnons Républicains de Sécurité ! ricana Samira, sur le dos du dreadeux. La cavalerie arrive.
Un inspecteur en costard-cravate, bien à l'abri derrière les chiens de garde de l'Etat, hurla dans un mégaphone :
- Dispersez-vous ! Votre rassemblement n'a aucune légitimité ! Dispersez-vous ou nous n'hésiterons pas à faire usage de la force !
Il y eut des remous parmi les manifestants. Nul ne quitta l'émeute, mais plusieurs d'entre eux s'avancèrent vers les CRS, exhortant les autres à en faire autant.
Damien réclama un mégaphone, et répondit :
- Nous exigeons la libération de Nadir Boughami, de Natalie Perrot, et de tous les autres camarades enfermés sans motif valable ! Nous exigeons l'abolition de la peine capitale remise en place par l'Assemblée !
- Coups et blessures sur CRS est un motif valable, rétorqua le flic avec maladresse.
Des huées lui répondirent.
- Nadir est handicapé ! s'égosilla Damien, indigné par de telles aberrations. Avec son fauteuil roulant, comment voulez-vous qu'il agresse un CRS ? Et Natalie mesure 1m50 et pèse 40 kilos à tout casser ! Comment aurait-elle pu causer le moindre dommage à un homme armé et recouvert d'une carapace ?
Ce dernier terme provoqua des rires parmi les manifestants. L'inspecteur essuya son front nimbé de sueur, et disparut du champ de vision de Damien.
Les talkie-walkie des CRS grésillèrent. Une fraction de seconde plus tard, les flash-ball menaçants furent dégainés et pointés sur les émeutiers.
- SAMIRA ! s'époumona Damien. DESCENDS, VITE !
La jeune fille lui rendit son regard affolé, mais n'eut guère le temps d'obéir à son injonction. Une balle la heurta de plein fouet au visage, répandant une giclée de sang, et la projetant sur le sol.
Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase.
Tandis que deux révolutionnaires se chargeaient de mettre la jeune fille inconsciente en sécurité, les manifestants se ruèrent en hurlant sur les CRS.
Dans la mêlée, Damien lança sa bouteille de bière vide sur le CRS qui avait tiré sur son amie. Elle explosa sur sa visière, sans lui causer le moindre dégât, au grand dam du jeune homme.
Bientôt, les CRS furent submergés par la marée d'émeutiers, armés de battes de base-ball et de barres en fer. Qui sème la misère récolte la colère !
Soudain, alors que les CRS perdaient du terrain, ils reçurent l'autorisation d'utiliser leurs bombes lacrymogènes. En quelques secondes, des nuées de fumées envahirent la rue. Toussant et pleurant, les manifestants retroussèrent les keffiehs sur leurs yeux brûlés.
Damien ne parvenait plus à respirer. C'était la première fois qu'il était confronté aux lacrymogènes. Il inspira profondément, mais l'air qui descendait dans ses poumons semblait lui consumer l'organisme. Ses paumes aplaties sur les yeux, il avançait au hasard, errant parmi les manifestants hébétés.
Quelqu'un lui arracha le mégaphone. Une voix amplifiée cria :
- TOUT LE MONDE A LA PREFECTURE !
Ce fut la débandade. Les émeutiers refluèrent vers le lieu-dit, poursuivis par les CRS qui laissaient quelques victimes de la rage des manifestants sur le sol. Alors que Damien courait, une violente douleur lui vrilla les omoplates. Il dut se faire violence pour ne pas trébucher : il savait ce qu'une chute signifiait.
Mais le CRS qui avait abattu la matraque sur son dos ne désirait pas en rester là. Une deuxième coup lui ouvrit le crâne. Damien, aveuglé par le gaz lacrymo et par son propre sang, s'étala de tout son long. Immédiatement, les CRS se jetèrent sur lui et l'immobilisèrent sur l'asphalte.
Du coin de l'oeil, le jeune homme vit Manu se retourner et hésiter, le voyant dans une si mauvaise posture. Puis il disparut de son champ de vision.
Une décharge d'électricité lui arracha un cri de douleur. Il entendit les CRS ricaner, alors qu'un deuxième choc de 50 000 volts le faisait se plier de souffrance. A la troisième décharge, son menton éclata en heurtant brutalement le bitume.
La dernière chose qu'il entendit avant de sombrer, fut le murmure du CRS qui tenait le taser :
- Ta révolution, tu vas la faire à la morgue, sale petit délinquant.
El pueblo unido ! (nouvelle) |
1/11 |
23/03/2008 à 01:37 |
Trop long.. à 01h37 du Mat`.
Mais bravo. Courageuse ^^.
El pueblo unido ! (nouvelle) |
2/11 |
23/03/2008 à 01:43 |
Hamtaro_ a écrit :
Trop long.. à 01h37 du Mat`.Mais bravo. Courageuse ^^.
T'inquiète ;)
El pueblo unido ! (nouvelle) |
3/11 |
23/03/2008 à 01:44 |
Antigone_ a écrit :
Hamtaro_ a écrit :Trop long.. à 01h37 du Mat`.Mais bravo. Courageuse ^^.T'inquiète ;)
Je lirais demain promis =))
El pueblo unido ! (nouvelle) |
4/11 |
23/03/2008 à 12:26 |
C'est pas mal.
El pueblo unido ! (nouvelle) |
5/11 |
23/03/2008 à 12:32 |
Superbe.
El pueblo unido ! (nouvelle) |
6/11 |
23/03/2008 à 13:11 |
Littéralement sous le charme. Je ne sais que dire si ce n'est que j'aime, j'aime énormément. Le sujet, la manière de le traiter, le chant espagnol révolutionnaire, ton style, la réalité du texte, les sensations qu'il dégage.
Chapeau bas, c'était superbe.
Am Stram Gram.
El pueblo unido ! (nouvelle) |
7/11 |
23/03/2008 à 13:30 |
J'aime pas la fin c'est triste
^^
mais sinon comme dit Am Stram Gram très beau style d'écriture malgré que mon espagnol n'existe pas (t'aurais du mettre de l'allemand
).
Felicitation
je t'autorise a continuer héhé^^
El pueblo unido ! (nouvelle) |
8/11 |
23/03/2008 à 21:13 |
Ouah.
Horrible mais très bien écrit.
El pueblo unido ! (nouvelle) |
9/11 |
23/03/2008 à 22:06 |
MinyMousse a écrit :
J'aime pas la fin c'est triste ^^ mais sinon comme dit Am Stram Gram très beau style d'écriture malgré que mon espagnol n'existe pas (t'aurais du mettre de l'allemand ).Felicitation je t'autorise a continuer héhé^^
Hé oui, mais les chants révolutionnaires allemands sont rares voire inexistants. L'Amérique Latine a fait tellement de révolutions qu'on ne peut que citer leurs propres textes. Mais si tu veux, je peux poster la traduc.
Merci à tous pour vos avis.
El pueblo unido ! (nouvelle) |
10/11 |
23/03/2008 à 22:11 |
J'adore.
El pueblo unido ! (nouvelle) |
11/11 |
24/03/2008 à 14:54 |
héhé
souvenirs souvenirs...
vraiment bon !
ça me parle trop, j'ai du mal à mettre des adjectifs justes...