( Avant toute chose, je suis moi-même assez sceptique de ce texte, dont l'inspiration m'est venue très tardivement la nuit dernière. Enfin, je le soumets quand même à vos critiques, espérant en obtenir des avis plus précises que celles que je me fais. )
« Nelka était de celles dont le moindre silence devait être comblé; de soupirs, de quelques mots timides, de toutes conduites humaines à même de l'obvier, de relier les paroles par un pont versatile et trop souvent caduc. L'enjeu en va de la survie; si elle n'est pas physique, elle n'est pas moins morale. Et quand le verbe vous manque, il vous faut inventer. Une histoire, une mimique, ou de quoi la distraire et lui faire oublier de prendre du répit...
Car dès lors qu'elle se tait, Nelka vous intimide, vous déshabille, vous met à nu, vous paralyse. Vous voilà pris au piège au dessus de ce vide, ce néant auditif. En proie même au vertige, vous devenez son jouet... Alors Nelka vous traque. Elle se sait plus puissante, aussi faible paraît-elle.
Elle abuse, elle profite, elle a soif de savoir. Elle veut vous faire trahir ce que pour votre part, vous souhaiteriez cacher; vous faire déterrez un cimetière de secrets dont le deuil n'est pas fait.
Elle prend au dépourvu à l'heure des contes de fée, quand le soleil s'incline, qu'elle sait que le sommeil berne les interdits et délie votre langue. En marge de la conscience, le jeu peut commencer. Vous êtes perdants d'office, Nelka n'épargne pas.
Ses grands yeux en amandes à l'iris émeraude déposent sur vos épaules des questions importunes, empreintes d'indiscrétion enfantine et malsaine. À s'y méprendre, vous en perdez tous pieds; hypnotisés par son regard, les paupières alourdies d'un mutisme pesant... Engourdis d'impuissance, vous vous savez offerts, non à l'étreinte berceuse du mythe de Morphée, mais à l'œil incisif de la jeune Nelka.
Elle est là, devant vous, avec entre ses doigts les rênes de votre gêne. Bordée par l'édredon qui masque jusqu'à ses lèvres, Nelka ne sourcille pas. Elle est bien plus petite et en toute logique vous pourriez aisément esquiver son emprise. Seulement comme deux aimants ces yeux vous tétanisent; quand ils ne vous sondent pas, ils feignent une candeur qui soudain vous fascine... L'engrenage est pervers, aux airs d'infinité.
Sitôt le manège enclenché, lancé en orbite giratoire, vous ne pouvez plus rien. Vous vous tenez pantois, les bras ballants, devant son corps chétif au regard curieux et interrogateur, sans mot dire, sans réponse, dépourvus de répliques, ou même, d'humilité.
Alors, c'est vrai, parfois, votre raison panique. Dans un dernier élan, vous lui dites "Bonne nuit", trop vite soulagés d'espérer en sortir. Mais lorsque votre main approche l'interrupteur, Nelka élève la voix. Sous l'effet de surprise, vous lui faites volte face, n'ayant pas même le temps d'alors vous maudire qu'elle se met à fixer l'abysse de vos prunelles.
Et vous les détester, ses yeux accusateurs, aux questions oratoires qui virent existentielles. Elle vous demande le monde quand vous n'avez que vous, qu'une demeure, un emploi, une routine mortelle, dans tous les sens du terme. Et quand, par mégarde, elle vous demande entre deux pauses, d'une voix à peine audible mais avec ce coup d'œil toujours inquisiteur, "Et il est où, Papa ? J'en ai un, moi aussi ?", alors le charme s'écroule. Portés par votre instinct, vous essayez de fuir, une dernière fois. Or elle vous suit toujours, ces yeux percent la pénombre et votre intimité. Et ses pupilles taraudent, talonnent votre démarche, scandent la ponctuation de sa phrase en suspens, en souffrance, endormie... »
- Vous savez, docteur, Nelka est de ces mômes dont le moindre silence se doit d'être comblé...! Pourtant, ce soir là, je n'y suis parvenue. En mère tourmentée, j'ai failli à ma peur et me suis laissée prendre. Elle a répété cette question "Et il est où, Papa ?", à trois reprises, je m'en souviens. J'ai cru ne pas comprendre, la première fois. Après, je n'voulais plus l'entendre. Aussi, je l'ai prié de s'taire. Enfin, prier... Je lui ai crié de bien vouloir se la fermer, voilà. Parce que, non, elle n'avait pas de ... "Papa". Et depuis, plus rien. Elle ne semble plus voir, jugez vous même, ses yeux sont blancs. Et elle ne parle plus, elle ne veut plus manger, elle bouge à peine la tête. Je craignais le caprice, mais ça fait bien deux jours. Donc je vous ai appelé et...
(penché sur l'enfant, le docteur se raidit)
- Madame, Nelka est décédée.
« Orpheline de père, Nelka avait prit peur. Non du vide de répliques auquel elle m'a soumis mais de cette place vacante, de l'absence paternelle au tout nouveau visage, au masque fissuré. Nelka n'aimait pas le silence sans même savoir pourquoi. Et je crois aujourd'hui en prendre un peu conscience; à sa place, tardivement. À mieux y regarder, enfin, prêter l'oreille, le mot "Papa" sonne creux. Se finit sur un son qui s'étouffe et s'avale, qui n'a pas de fin brute. "Maman", elle, tourne en rond. Un peu labiale sur les bords, j'en conviens parfaitement.
Alors de n'avoir eut de réponse à sa vie, à son "Papa ?" qui s'est perdu dans un tabou sans fin, Nelka s'était enfuie. De la même manière qu'une fois sous sa mainmise on aimerait s'enfuir. À la différence près qu'elle était plus puissante, et que son âme d'enfant n'appréhende pas la plus infime limite.
Car vous n'avez même pas idée du pouvoir d'un Enfant, ni de son agonie, quand il veut tout de vous et qu'il n'en obtient rien...
À ma petite Nelka, mon cœur et ma pupille. »
Noémie, Juillet 2009.
Am Stram Gram.
Le regard de Nelka; Lettre à Quiconque(Texte) |
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03/07/2009 à 19:24 |
Je le trouve très bien écrit ce texte, néanmoins n'étant pas experte en la matière, je ne peux pas te donner plus de précisions. J'ai trouver ça fluide, agréable et appréciable =)
Le regard de Nelka; Lettre à Quiconque(Texte) |
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03/07/2009 à 19:34 |
C'est beau. Un peu compliqué (l'emploi de vocabulaire soutenu se fait avec modération ^^), mais j'aime bien...
Le regard de Nelka; Lettre à Quiconque(Texte) |
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03/07/2009 à 22:37 |
Histoire d'un up.. x)
Pour le vocabulaire soutenu, je ne pense pas en avoir trop usé sur ce texte là. Après, chacun ses référentiels de ce qui est soutenu ou non !
Mais je reconnais quand même qu'au niveau des tournures, c'est pas du langage courant. x)
En tous les cas, merci à vous deux pour vos avis, ça rassure toujours.
ASG.
Le regard de Nelka; Lettre à Quiconque(Texte) |
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03/07/2009 à 22:44 |
Ton texte est super interressant même si des passages sont un peu flou pour moi.mais franchement...Bravo ça me plait à première vue
Le regard de Nelka; Lettre à Quiconque(Texte) |
5/14 |
03/07/2009 à 22:52 |
Wououh. Ca m'a chamboulé. Le fond, la forme, le langage soutenu, l'histoire simpliste mais qui prend un degré énorme... Tout simplement géniallissime. Si tu en as d'autres, je suis preneur.
Le regard de Nelka; Lettre à Quiconque(Texte) |
6/14 |
03/07/2009 à 22:59 |
ValentinEden a écrit :
Wououh. Ca m'a chamboulé. Le fond, la forme, le langage soutenu, l'histoire simpliste mais qui prend un degré énorme... Tout simplement géniallissime. Si tu en as d'autres, je suis preneur.
Rien à dire de plus. J'suppose que j'aurai besoin d'une seconde lecture pour bien tout comprendre, mais ce que j'ai entraperçu m'a vraiment intéressée.
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7/14 |
03/07/2009 à 23:08 |
Sore Whore a écrit :
ValentinEden a écrit :
Wououh. Ca m'a chamboulé. Le fond, la forme, le langage soutenu, l'histoire simpliste mais qui prend un degré énorme... Tout simplement géniallissime. Si tu en as d'autres, je suis preneur.
Rien à dire de plus. J'suppose que j'aurai besoin d'une seconde lecture pour bien tout comprendre, mais ce que j'ai entraperçu m'a vraiment intéressée.
C'est la première fois que je lis un texte complexe que je comprends du premier coup
Comme lorsque j'écris
Le regard de Nelka; Lettre à Quiconque(Texte) |
8/14 |
03/07/2009 à 23:48 |
H ben voilà!!! Enfin quelqu'un qui sait écrire!
Merci....
Le regard de Nelka; Lettre à Quiconque(Texte) |
9/14 |
04/07/2009 à 12:34 |
Ah mais rien que le titre, j'en suis tombée amoureuse.
Le regard de Nelka; Lettre à Quiconque(Texte) |
10/14 |
04/07/2009 à 13:27 |
Euh ouais, je n'aime pas. Pourquouah ? Ah bah c'est bien écrit, mais je trouve ça un peu trop lourd, voire indigeste à mon goût. Le fond est pas mal, mais je trouve que ça va trop vite. Elle meurt comme ça ? On meurt de chagrin en une nuit ? J'sais, j'trouve ça un peu gros.
Le regard de Nelka; Lettre à Quiconque(Texte) |
11/14 |
04/07/2009 à 14:03 |
C'est très bien écrit, on se laisse aller au texte.
Malgré tout je n'ai pas trouvé l'histoire passionnante ... Enfin si, c'est intéressant mais je sais pas, peut-être une trop longue "introduction" avant d'entrer dans l'histoire. Ce qui fait qu'en sortant du texte, on se dit que y'avait pas d'histoire.
C'est pas assez ... proportionné pour moi.
Mais c'est quand même super bien écrit.
Le regard de Nelka; Lettre à Quiconque(Texte) |
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04/07/2009 à 21:17 |
Frosties a écrit :
Euh ouais, je n'aime pas. Pourquouah ? Ah bah c'est bien écrit, mais je trouve ça un peu trop lourd, voire indigeste à mon goût. Le fond est pas mal, mais je trouve que ça va trop vite. Elle meurt comme ça ? On meurt de chagrin en une nuit ? J'sais, j'trouve ça un peu gros.
Je m'attendais exactement à ce genre de commentaire à la base ! J'apprécie toujours autant tes avis développés, mais je suis malheureusement toujours aussi incapable de faire un style moins lourd... Chasse le naturel, il revient au galop =X
ASG.
Le regard de Nelka; Lettre à Quiconque(Texte) |
13/14 |
05/07/2009 à 20:40 |
J'aime beaucoup mais ça ne m'a pas touché. Néanmoins bravo quand même
Le regard de Nelka; Lettre à Quiconque(Texte) |
14/14 |
16/07/2009 à 09:28 |
J'aime beaucoup. C'est un peu "lourd", mais j'apprécie.