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Celestia courrait. Elle courrait sans s’arrêter, essayant d’échapper à… D’échapper à quoi, déjà ? C’était une bonne question. La jeune femme n’avait aucune idée de ce à quoi elle avait à faire. Pourtant, elle en avait peur, très peur, jusqu’au plus profond de ses tripes, alors elle courrait. Dans sa sacoche, une petite boule de poils recroquevillée sur elle-même frémissait, elle aussi en proie à une terreur sans nom. Ballottée par la course à travers les arbres, au creux du tissu qui l’enveloppait, elle lâchait parfois un petit gémissement plaintif. La fille avisa une clairière éclairée par la lune à sa droite. Elle s’y précipita, non sans manquer de trébucher sur l’enchevêtrement de racines au pied d’un gros arbre. Attrapant sa sacoche à deux mains, elle sauta dans la grande flaque de lumière blanche et se retourna, faisant face à son agresseur toujours embusqué dans les fougères.
Elle reconnaissait le pas lourd de la bête qui les traquait. Le souvenir de la silhouette qu’elle avait entraperçue à la lueur du feu quelques heures plus tôt lui arracha un frisson. Toujours haletante, Celestia commençait à transpirer. Une masse énorme et poilue émergea lentement des fourrés, menaçante, et laissa échapper un long grognement.
L’ours se leva alors sur ses pattes arrière et poussa un rugissement cruel, avant de retomber de tout son poids sur ses quatre pattes. L’adolescente le pris comme un avertissement de danger imminent et se demanda si elle était vraiment à la hauteur, alors que les plaintes du petit chat dans le sac s’accentuaient. Évidemment qu’elle était à la hauteur. Elle ne pouvait s’autoriser le luxe de ne pas l’être, depuis qu’elle s’était enfuie. Celestia entreprit donc de canaliser ses émotions et de se concentrer, pour que son esprit soit dans les meilleures conditions. Elle l’avait fait des centaines de fois à l’école, elle savait exactement comment le faire. Elle s’assit en tailleur sur le sol. Il devait y avoir une dizaine de mètres entre la bête sauvage et elle. Elle n’était pas sûre d’avoir le temps, mais elle devait essayer. Si les Sorciers eux-mêmes avaient eu peur de son potentiel, alors elle n’était pas qu’une bonne à rien. Elle ferma les yeux, et se concentra. L’ours chargea au même moment, couvrant la distance qui les séparait à une vitesse folle. Il fût sur elle en trois bonds, se dressa sur ses pattes arrières, leva son énorme patte pourvue de griffes longues comme des couteaux, et l’abattit sur la jeune femme, avec la ferme intention de la déchiqueter.
La lune sembla devenir un peu plus lumineuse à l’exact moment où une boule d’énergie apparu tout autour de Celestia. La patte de l’animal rebondit dessus et il fût projeté en arrière par la force formidable de la sphère blanche. Plus la fille se concentrait, plus elle grossissait, plus l’ours reculait. Il retourna alors à la charge, mais ne rebondit pas cette fois-ci. Il traversa simplement la paroi d’énergie, comme si elle n’avait pas existé. Enfin, c’était plutôt la paroi qui avait traversé l’ours, le vidant de son énergie au passage. Il s’affaissa alors au milieu de la clairière, assommé.
Celestia rompit alors le sort, puis elle ouvrit le sac.
- C’est fini Erya, tu peux sortir.
Une petite tête moustachue sortit alors du sac en lâchant un craintif « Meow ? ». Puis elle avança petit à petit, posant une patte sur le sol, puis une autre. La chatte regarda tout autour d’elle. Elle avisa alors l’ours inerte, sursauta et fit volte-face pour se précipiter dans sa sacoche en tremblant.
- C’est vraiment fini, Erya. Il ne bougera plus avant un bon moment, tu peux me croire !
L’intéressée retenta alors une excursion à l’extérieur. Toujours prudente, mais plus rassurée que la première fois, elle guetta un mouvement de l’ours qui ne vînt pas. Elle s’assit alors devant Celestia et commença à se lécher les coussinets.
« Sympathique, ton petit sort. Bien sûr, j’aurai pu en faire autant. »
- Oh oui, j’en suis sûre ! Trouillarde.
Celestia lui avait répondu sur le ton de la plaisanterie, pourtant la petite chatte préparait déjà sa vengeance : elle se campa sur ses quatre pattes, amorça un saut bien trop haut pour un chat normal de cette taille et se propulsa sur le visage de l’humaine qui osait la traiter de trouillarde. Elle s’agrippa alors aux quelques cheveux qui dépassaient, se hissa sur sa tête et s’assit.
- Sérieusement, grandis un peu, t’es plus un chaton, ajouta Celestia pour charrier son amie féline. Il y aura bien un jour où je ne serai plus là pour t’aider à te sortir des situations désastreuses !
« Chut, tu peux pas me quitter, tu m’aimes trop. Allez, emmène nous hors d’ici, je ne veux plus voir cette… Ce truc plein de poils et qui grogne. »
- Tu parles de toi là ? La fille riait désormais aux éclats. Elle pris Erya dans ses bras, lui caressa la tête (elle se mit d’ailleurs à ronronner), et se remit en route. Décidément, magiques ou pas, les chats avaient bien tous les mêmes centres d’intérêt : les caresses, et l’envie qu’on s’occupe d’eux.
« Je vais finir par te mordre si tu continues de penser ça. »
Ah oui, c’est vrai. Erya est télépathe.
Celestia attrapa Erya et la déposa au sol. Puis elle jeta un dernier coup d’œil à la bête endormie pour s’assurer qu’elle ne reprendrait pas ses esprits trop vite. Elles se remirent alors en marche, traversant les buissons qui bordaient la clairière, lorsqu’elles furent surprises par un petit insecte lumineux qui tombait devant elles. Celestia prit un petit instant pour l’observer. Elle remarqua alors que la petite chose à ses pieds n’avait rien d’un insecte : c’était une petite fée, ornée de petites ailes phosphorescentes et habillée de petits vêtements de feuille. Les yeux de la jeune femme s’illuminèrent alors de joie. Elle avait lu tous les livres de la bibliothèque d’Orphéa, sa ville natale, traitant des créatures magiques. Des légendaires dragons aux plus petites fées, elle avait toujours voulu en rencontrer une. Elle les trouvait fabuleuses, leurs histoires se rapprochant toujours de loin ou de près à celles des pays alentours qu’elle avait toujours connus. Elle savait que la forêt médunienne abritait des fées, mais personne à sa connaissance n’en avait jamais vu. Un ancien ouvrage qu’elle avait auparavant feuilleté racontait d’ailleurs qu’elles ne se montraient qu’aux personnes qui avaient besoin d’aide. Et justement, depuis sa fuite face au conseil, elle en avait grand besoin. La petite créature ailée se releva, paru rouspéter avec sa toute petite voix, marmonnant des mots incompréhensibles aux oreilles de Celestia. Puis elle se retourna, découvrant avec stupeur le géant qui l’observait fixement. Surprise, elle fît un grand bond en arrière. Enfin, grand, tout est relatif. C’était un grand bond de fée. Amusée, Celestia éclata d’un rire enjoué. Le visage fin de la petite fée vira alors au cramoisi, et elle s’emporta de plus belle, tapant du pied sur le sol. L’humaine la trouvait décidément beaucoup plus mignonne que ce qui était écrit dans les livres. La petite créature croisa alors les bras, visiblement vexée, et commença à faire la moue. Quel sacré caractère ! Celestia réalisa alors que la fée n’avait pas l’air effrayée du tout. Elle devait avoir l’habitude des êtres humains.
Erya et la créature ailée eurent un bref échange télépathique, suite à quoi la fée repris son calme. Elle avait l’air d’un tout petit ange. Elle déplia ses petites ailes luminescentes, les agita légèrement, puis un peu plus frénétiquement, et commença a s’envoler. Arrivée à hauteur du visage de Celestia, elle lui fit signe de la suivre, et fila à travers les arbres.
- Qu’est-ce que tu lui as dit ?
« J’ai vraiment envie de dormir, là. On va voir un monsieur dans une maison pas très loin. »
L’adolescente suivit la lumière de la fée d’aussi près qu’elle le pouvait. Parfois, elle disparaissait entre les feuilles, puis réapparaissait pour disparaître une fois de plus et réapparaître encore. Un quart d’heure plus tard, elles débouchèrent dans une clairière au centre de laquelle se trouvait une petite maisonnette. La lueur qui filtrait à travers les vitres de la maison montrait que quelqu’un vivait ici. Erya remercia la petite créature, s’assit par terre et regarda Celestia frapper à la porte. Elles entendirent alors quelqu’un se dépêcher, se cogner aux meubles par précipitation et faire tout tomber à l’intérieur. La personne grommela bruyamment et ouvrit la porte :
- Chapeau melon ou chapeau plat ?
L’homme qui se présentait devant elles n’était pas très grand. Il portait un costume dont les manches étaient décousues aux épaules, et arborait un chapeau assorti à sa tenue. Il avisa l’adolescente et son chat, et s’exclama d’une voix préoccupée :
- Ni l’un, ni l’autre… Les jeunes filles n’achètent pas de chapeau, et les chats non plus. Et… Oh ! Primebelle ! C’est toi qui leur as montré le chemin ?
La petite fée, sur l’épaule de Celestia, secoua la tête de haut en bas. L’homme invita alors les deux compagnes à entrer chez lui.
- Installe toi petite, je vais faire du thé, et tu vas me dire ce qui t’amène.
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