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KiLoUzE | Recit "Lueur D'Espoir" | 0 | 28/02/05 à 19:01 |
Voila un recit que j'ai moi-même fais, comme je l'ai expliqué dans un ancien topic, disponible avec d'autres sur mon site http://www.ecrituresdeguerre.com
Lueur d’espoir
Le soleil était à son zénith. Embusqué voila depuis près de quatre heures sans bouger, sans boire une seule goutte d´eau, ma gorge asséchée me faisait horriblement mal. Posté sur une colline, les buissons où je me trouvais m´apportaient un peu de fraîcheur. Je vois l’ampleur du paysage de Koursk, parsemé d’arbres, de petits buissons et de collines, pour la plupart de tailles minimales. Pendant ces 4 longues heures, un millions de soldat avait été déployés, environ vingt-mille canons, trois mille six-cent chars et deux-mille quatre-cent avions, allez savoir pourquoi. On m’a dit qu’une bataille d’envergure se préparait ici même, sur le sol de Koursk. Apparemment, ces informations venaient du haut-commandement allié, interceptées sur une radio allemande. Avant tout cela, les boches avaient contre-attaqué en Ukraine, puis ont perdus Kharkov le onze mars mille neuf-cent quarante-trois grâce à mes frères, mais Bielgorod nous est arraché le vingt-et-un, ce qui nous contraint de reculer à l’est de Donetz. Ce jour là, j´ai beaucoup pensé à mes amis tombés au combat et aux autres disparus - ce qui est tout aussi dur à accepter : sont-ils morts, prisonniers de guerre, peut-être torturés? Ils n´ont pas eu la chance comme moi d’être encore en vie. D’après mes camarades de division, la 79th Soviet Command plus précisément, Von Manstein, vétéran allemand des combats en Pologne, aurait décidé de s’emparer de Koursk, piégé et pris en tenaille par ses réserves blindées. Je suppose donc que nous étions là pour défendre Koursk et ainsi, en cas de victoire, repousser l’ennemi vers Berlin, tâche qui s’annonçait ardue. Aujourd’hui, nous sommes le cinq juillet mille neuf-cent quarante-trois, date à laquelle ma fille devait naître, Elza. Il me tarde énormément de la voir, ainsi que ma femme, Eze Vladitzeiv. Le bruit assourdissant de l’arrivée des camions de ravitaillement me ramène à la réalité. Je regarde le paysage, une fois de plus, ne sachant que faire. J’aperçois quelques habitations délabrées aux murs effondrés, tandis que quelques mètres plus loin gît des corps de civils russes, vision horrible, apparemment victimes d’une mine anti-personnel…..
Un bâtiment, sûrement une vielle scierie abandonnée depuis quelques années, était debout, prête à fonctionner, comme si elle attendait son propriétaire. A l’arrière, les derniers préparatifs s’achèvent, les camions sont vidés, les canons installés, l’infanterie prête à tirer et les bombardiers prêts à décoller. Et on attends, durant de longues minutes, que l’ennemi se fasse voir, dans ces fourrés au loin, ou encore derrière ses arbres aux troncs volumineux. Personne ne saurait dire où l’ennemi se terrait, où il se cachait, d’où il allait attaquer, mais nous savions qu’il se cachait dans les environs, prêt à faire feu, tout comme moi. Je me trouvais derrière un talus de sacs de sable, où, dessus, ma mitrailleuse lourde était posée. A coté de moi il y a un fusil et une mitraillette que j’avais récupéré lors des combats à Stalingrad. Il y a aussi des munitions et quelques grenades, prêtes à l’emploi.
Puis d’un coup, quelques soldat à ma gauche levèrent la tête : Un bruit d’avion en plein envol venait de rompre le silence. Inquiet, nos artilleurs pointent leur canons vers les nuages, espérant apercevoir un avion. Ils eurent raison : Un chasseur volant, ou plus précisément un Stuka, débarquant de nul ne sait où, fonce en piquet en ouvrant le feu de ses mitrailleuses. Les coups de feu claquent dans cet air surchargé de sueur et de terre, l’homme à ma gauche s’effondre dans un râle tandis qu’au loin, j’aperçois une centaine de soldats sortant des fourrés et qui commencent a nous tirer dessus, même si leur tirs n’atteignaient personne, compte tenu de la distance. En un mouvement proche du réflexe, je saisis ma mitrailleuse et commence a tirer avec fougue sur tout ce qui bougeait. J’en tue environ une dizaine et je blesse un officier aux jambes. Il se relève et je l’achève d’un tir qui lui atteint le ventre. Les soldats ennemis se multipliant, nos tanks démarrent et s’engagent sur le vaste terrain, à présent jonché de corps allemands. Couverts par nos tirs d’artillerie, les quelques dizaines de tanks engagés au combat tuent, blessent les soldats ennemis qui ne cessent d’augmenter en nombre. Un bombardier allemand, qui a échappé aux tirs de nos canons, survolent les tanks en lâchant une dizaine de bombes, les réduisant en un amas de ferrailles et de cendres.
Je pense sans cesse à ma future fille que j’ai hâte de voir.
Un supérieur me tapote l’épaule derrière moi, me dit dans un souffle qu’il faut absolument couvrir nos tireurs embusqués, dans les arbres ou encore cachés derrière un quelconque pan de mur. J’exécute son ordre et regarde les alentours, sans voir aucun tireurs soviétiques. Je me retourne pour transmettre mon observation a mon sergent, mais l’homme derrière moi s’est figé. Sa tète repose mollement sur le bord du muret, les yeux ouverts, regardant le ciel où le paradis l’attend. L’ennemi est partout. Je défends nos lignes sans relâche. Un deuxième sergent, cette fois de ma propre unité, m’ordonne d’intégrer la première vague d’assaut censée foncer sur le champs de bataille : Plus de cinq-cent mètres à parcourir complètement à découvert, exposé au feu nourri de l’ennemi, avant de trouver un quelconques muret derrière lequel s’abriter. Je regarde à ma gauche et dis à un soldat que je ne connaissais pas de me relayer au poste d’artilleur. Le soldat acceptant, je saisis mes grenades, ma mitraillette et mon fusil que je place sur mon dos grâce à une bandoulière. J’appelle d’autres camarades et leur ordonne de me suivre pour finir la formation de cette vague d’assaut. Le départ imminent, je donne quelques consignes à mes frères d’armes, malgré le fait que je n’ai pas le grade requis pour faire cela. Penser à ma fille me donne du courage et me remonte le moral, je me sens comme invulnérable grâce à elle. Je commence à courir, implorant le Dieu Tout Puissant de me laisser en vie. Suivis de près par les autres, je tire sur tous ce qui bouge. Armé de ma mitraillette, je cours à travers le champ de bataille sans vraiment savoir ou je vais.
Je la vois sourire de ses petites dents qui commencent à sortir.
Les balles fusent, crépitent, et frôlent ma tête dans un sifflement assourdissant, à en faire bourdonner les tympans. Je plonge à terre, pour me protéger des tirs ennemis devenus trop importants pour rester debout. Je rampe.
Je l’imagine faisant ses premiers pas.
Plus que deux-cent mètres à parcourir. Je me relève et cours le plus rapidement possible à en perde haleine, tout en ouvrant le feu sur une horde d’allemands. J’en tue plus de quinze sans aucun remord à leur égard. Plus que cent mètres. J’aperçois un pan de mur délabré par le temps, je m’y précipite.
Une fois arrivé, je balaye les corps allemands, j’en allége un de son fusil à lunette, puis je me retourne pour voir où sont passés mes coéquipiers : Plus personne, tous tombés au combat.
Elle serre son ours en peluche.
Je me penche légèrement sur le coté pour essayer de viser les tireurs allemands qui font tant de mal à mes camarades avec l’aide de mon fusil. J’en tue un, deux, trois et j’en blesse un quatrième à l’épaule. De cet endroit, j’ai une vue imprenable sur le terrain : Les bombardements ont complètement troués le sol, comme un immense gruyère. Des soldats, alliés et allemands, agonisent, fusil en main, priant le ciel de ne pas les faire souffrir plus longtemps. Maintenant, les chars, ennemis comme alliés, se comptent par centaines. Ils tirent, avance, écrasent et tuent. Mais je suis fais repérer : on commence déjà a me tirer dessus. Je jette un coup d’œil à l’arrière pour voir si le repli est possible.
Elle me sourit alors que je lui raconte une dixième fois « Blanche-Neige Et Les Sept Nains ».
Mais je m’aperçois avec horreur que l’arrière se fait littéralement foudroyé par les bombardements allemands : Il faut avancer. J’entends un soldat au loin, ou un sergent peut-être, je ne sais pas, crier ces paroles : « Ne reculez pas ! ». Je le comprends. Reculer serait du suicide, avec tous ces bombardements. Je me retourne une seconde fois pour voir un dizaine de soldats soviétiques, dont 2 grièvement touchés, arriver à mes cotés. L’un d’eux porte une mitrailleuse lourde et me la donne. Je la prends, la pose sur le rebord du muret, et commence à tirer. Mes camarades et moi fauchons des dizaines de soldats, mais nous ne pouvons rien face à une vague d’assaut de blindés allemands. Un soldat à mes cotés tombe, les bras en croix, atteint d’une balle dans le torse. Je lâche ma mitrailleuse, dégoupille une grenade et la lance le plus loin possible : Un casque vole, tombe et se fige. Un mort de plus. Je me relève, recharge ma mitraillette, et tire sur la nouvelle vague d’assaut : mais quelque chose me projette en arrière, suivit d’une atroce douleur au niveau de l’épaule : je suis touché. Il faut pourtant que je me tourne vers ces hommes qui attendent une réponse. Je perds beaucoup de sang mais je m’en contre-fiche : Je laisserais ma vie en brave. Je me redresse tant bien que mal, et entends avec effroi des cris d’une enfant paniquée, venant de nul part, résonnant comme un écho sans fin. Quelques secondes plus tard, un allemands court vers un amas de tôle froissées et de mur effondrés. Je lui tire dessus mais je le rate. Un « Panther », énorme char allemand réputé pour son blindage et sa puissance de tir, arrivant a ma droite m’empêche de poursuivre ma manœuvre sur le soldat. Gagné par la panique, j’enjambe le muret trop vite et trébuche. Le canon du char est maintenant pointé sur moi, à seulement quelques mètres. Au bout de celui-ci, je vois la mort me côtoyant, me souriant. Jamais je n’avais tutoyer la mort d’aussi près.
Je la félicite pour son premier besoin fait aux toilettes.
Je me ressaisi mentalement et grimpe sur le char avant qu’il ne me fasse découvrir le paradis. J’ouvre la portière du blindé, dégoupille une grenade et la lance dans la cale après avoir brièvement aperçu les conducteurs du char. Je referme la portière et j’y pose le pied dessus pour éviter que l’ennemi ne sorte. Une explosion détruisant la plus grande partie du tank me projette en avant en me faisant lourdement retomber sur le sol. Je me redresse et continu à tirer sur l’ennemi tout en gardant un œil sur l’endroit ou ce soldat s’était dirigé, de peur de le voir ressurgir, arme en main dirigée vers nous. Je tire des rafales entières. Le danger est partout. Dans chaque buisson, à chaque contour, chaque parcelle recèle un piège mais ne le dévoile pas. Qui sont ces hommes avec si peu de moyens. Ils ne sont sûrement plus des hommes depuis longtemps. Comme nous, ils sont devenus des bêtes, aussi durs que l’acier de leurs armes. Puis d’un coup mes camarades cessent de tirer : Ils regardent dans la même direction, précisément à l’endroit où ce soldat avait disparu. Les cris de la petite fille retentirent une nouvelle fois.
Elza ?
J’arrête involontairement de tirer, trop frappé par ce que je vois. Le soldat allemand vient de sortir d’un énorme amas de pierre, une fillette dans ses bras, pleurant, criant et appelant sa maman. Elle me fait atrocement penser à ma fille. Personne ne tirait sur cet homme, qui marchait pourtant gaiement au milieu de ce champs de ruines, ou plutôt, personne n’osait lui tirer dessus, tous ébahis par cet acte de bravoure envers un « ennemi » en quelque sorte. Ce geste prouve qu’au milieu de cette guerre atroce et dénudée de sens, dans les deux camps règnent un désir de stopper cette guerre, de devenir amis et non de s’entre-tuer. Enfin une lueur de victoire, d’espoir dans cette guerre. L’ennemi dépose la fillette qui court vers nous, en geste de remerciement, nous laissons l’homme brave et non le soldat assoiffé de sang rejoindre ses lignes. Cette bataille durera plus de cinquante jours, cinquante jours interminables de souffrances…..
Nicoleï Vladitzeiv, soldat de la 79th S.C., survécu à la bataille de Koursk qui fut la plus grande bataille de chars au monde. Il participa au coup de grâce donné par les soviétiques sur les allemands le 12 juillet 1943. Sa blessure s’avéra plus importante que les apparences le disaient et donc gênait le cœur dans son fonctionnement. La petite Elza ne connaîtra jamais son père.
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PS: Merci morphée pour ton com sur mon site