Thora ; "Daj mi Krew"

"Daj mi krew..."

Le râle persiflant de Thora se perdit dans l'infini d'une nuit éternelle. Crispée à un manche de bois poisseux, elle avançait instinctivement sur un sentier sans fin, vers un gouffre sans fond. Ses pupilles dilatées laissaient s'infiltrer en son être la faible lueur de l'aube qui ne pointerait jamais et Thora suivait l'horizon.
À l'affût du moindre relent de sueur humaine, ses narines frémissaient, continuellement.
Et tandis que sa langue affilée ne cessait plus d'humecter ses lèvres fines d'un suc ferrugineux, ses canines, par à-coups, les mordillaient impulsivement.

Thora voulait du sang, du sang et de la chair. Thora voulait des Hommes au large cou, aux saillantes artères. Thora voulait tailler. Thora voulait trancher. Assouvir ses mornes pulsions sanguinaires.

Ses pieds foulaient l'asphalte d'une démarche lente et dénaturée. Thora n'était plus femme, Thora n'était plus rien. Thora voulait du sang et des têtes égorgées.

Chacun de ses sens décuplé par un vampirisme illusoire, Thora devenait folle et ivre de ces émois insoupçonnés.
Un frisson lui galvanisa soudain l'échine et le crâne ankylosé, ses yeux fixant le vide, l'excessivement lointain, Thora se stoppa subitement. Un éclair possédé lui frappa à son tour les rétines et ses ongles harponnèrent la hampe de la hache. L'embout métallique et rouillé luit dans les ténèbres. Thora fit volte-face.

Là. Juste là, sur le bas-côté.
Devant Thora, jubilante, gisait un futur macchabée. Un corps inerte de sommeil, au souffle irrégulier. Thora sourit narquoisement, ses commissures craquant sous le sang écaillé. Thora n'avait aucune conscience, ce désir et ce manque avides obstruant ses pensées.
Thora voulait du sang et Thora en aurait.

"Je sens tes veines frémir au froid de mon couteau. Seule la peur crée les monstres mais toi, ne crains donc rien. Déjà ton sang s'écoule, tiède et cristallin. Je suis une meurtrière en mal de toi, il est mon placebo."

Elle fredonna ces paroles comme un refrain lugubre, une complainte funèbre, un poème macabre. Puis, les poings fermes enserrant la serpe, elle fit basculer ses bras derrière sa tête, le revers de la lame lui effleurant la nuque.

"Je suis une meurtrière en mal de toi, il est mon placebo..."

Thora ouvrit les yeux, ses tempes lui compressant le front sous un afflux d'adrénaline. Elle s'agrippa au torse de son mari, lui griffa la poitrine et, ravalant ses sanglots, :
- Chéri... je t'en supplie...J'ai encore fait le même cauchemar... Ça veut dire quoi ? Réveille toi, s'il te plait...

Et pour unique réponse, lugubre et magistrale, la tête de l'homme échoua sur le plancher.

© Noémie, Février 2009.


Toujours la même inspiration nocturne, tirée ici d'un rêve déjà fait. Daj mi krew, c'est Donnez moi du sang, en Polonais. Enfin, apparement.

J'attends désormais vos réactions !

ASG.

WriterDreams  

Frosties  

Thora ; "Daj mi Krew"

4/9

02/02/2009 à 19:26

C'est hypra glauque.

Mais j'ai beaucoup aimé. =)

Thora ; "Daj mi Krew"

6/9

02/02/2009 à 20:19

Ghettoblaster a écrit :
Au debut je croyais que ca parlait de la Thora XD -_-


Oui j'ai des reflexions intelligentes et alors ?


Non non, ici Thora c'est un nom scandinave. x))


Du reste, je vais encore me perdre en remerciements insignifiants, mais je ne saurais trouver d'autres formules pour vous témoigner la joie qui me traverse en lisant vos impressions

ASG.

WildChild  

Thora ; "Daj mi Krew"

7/9

02/02/2009 à 20:20

Tu as un vrai talent, Noémie.

Thora ; "Daj mi Krew"

8/9

02/02/2009 à 21:02

Le précédent texte que tu avais déjà écrit était très prometteur,même si je ne l'avais pas aimé.
Celui-ci est franchement excellent.
C'est vrai que c'est un registre totalement différent,mais je trouve qu'il est largement meilleur que l'autre,dans la sensation ou l'émotion qu'il transmet.
Bravo