Le fabriquant de boites.

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18 ans ou plus

sauvage Le fabriquant de boites. 28 29/04/11 à 02:00

Sur la première rangée, une boite rouge et ronde. Une boite bleue rectangulaire. Et d'autres boites, de toute formes et toute couleurs.
Sur la seconde rangée, celle sur laquelle je travaille, un carton informe sans couleur, et derrière lui d'autres le suivent, alignés. Je consulte la commande journalière : 1. jaune en carré ; 2. vert en losange ; 3. violet en rectangle ; 4. orange en carré ; 5. beige en triangle. Et ainsi de suite.
Le bruit ronronnant des rangées de boites qui défilent et des pliages réguliers de cartons est la bande sonore qui commence la journée ; qui la déroule, qui l'étire et qui l'achève.

Toutes ces boites, nous les fabriquons. Nous les colorisons, nous les plions, et nous les envoyons sur la rangée n°1, où une autre équipe se charge de les trier par destinations. Ailleurs, on les remplit. Ensuite, elles sont envoyées.
Et tout le monde les reçoit.


Je ne vois que des boites toute la journée. Elles me viennent informes et transparentes ; et elles me quittent solides, de formes et de tailles variées, et colorées selon la commande. Elles défilent infiniment devant mes yeux et entre mes mains. Dans mon sommeil, elles me hantent. Me poursuivent jusque dans mes cauchemars, où elles me prennent en otage et m'ordonnent de les plier selon telle ou telle forme, me demandant de rendre plus seyant tel angle obtus ou aigu, de les parer de rayures multicolores, de donner plus de vitalité à leur orange ou leur bleu, ou toute sorte d'autres fantaisies grotesques et épuisantes.
Dans mes pires songes, il arrive que malgré mon travail irréprochable, elles grossissent, ouvrent leur couvercle sur moi et m'emballent sans pitié.


J'exècre les boites. Je voudrais les détruire avant même leur conception. Plus de boites. Déchirer l'apparence. Exploser la structure. Tuer l'indispensable. Car sans boites, plus rien ne pourrai plus circuler. Pour circuler, tout produit dois être emballé, étiqueté, payé et livré pour être ouvert et utilisé.
Sans emballage, ça foutrait toute la chaine en l'air.
Plus de boites oui, c'est mon rêve. Le rêve éveillé qui me maintient chaque fin de journée suffisamment vivant pour faire la route jusqu'à chez moi, où ma femme aura déjà ouvert les boites reçues dans la journée et les aura envoyés à la chaine de déformation & décolorisation des boites pour leur recyclage. Ces boites que nous avons pu acheter grâce à mon emploi de fabriquant de boites.

Que contiennent-elles ? De tout, vraiment. Tout ce que l'on peut souhaiter : vêtements, nourriture, abonnements à des chaines de télévision, eau, médicaments, électricité, jeux, outils, contrats, publicités vantant les mérites des boites et de leurs produits, robots, livres, accès à des sites internet, salaires et argent, meubles, gadgets, savons, plantes ...
De vrai particules de bonheur en boite.


Le signal de la fermeture de l'usine me tire de mes pensées et je termine rapidement la dernière boite, losange et vert, puis je tourne les talons.

Aujourd'hui, je ne veut pas rentrer trop tôt chez moi. Je sais que si je ne traine pas, quelques boites seront encore entassées dans le salon. Je ne veux pas les voir.

Je pénètre dans le parc de la ville. Il est peu fréquenté à ce moment de la journée ; généralement les gens rentrent chez eux et sortent leurs nouveaux bien des emballages qu'ils ont commandé.
Cela dit le parc n'est pas désert, je croise le frère de ma femme et lui fait un signe de tête. Lui aussi semble apprécier la solitude de fin de journée. Il travaille dans la livraison. Je crois qu'il est inutile de vous préciser ce qu'il livre.

Voilà un banc libre à l'ombre d'un chêne. Je m'y assois, prêt à succomber un instant à la fatigue qui m'étreint, quand un homme s'avance vers moi.
"Bonjour, co-citoyen !" lance-t-il en me gratifiant du salut inter-classe, c'est à dire en élevant la main droite vers son torse et la tend à plat vers moi dans un geste gracieux.
L'emphase de son expression me surprend un peu, néanmoins je lui rend son salut.
Inutile de se présenter pour savoir qu'il est un travailleur intellectuel ; son deux-pièce noir, sa chemise blanche, sa mallette probablement pleine de documents, et même ses cheveux mi-long faussement négligés le disent pour lui. Tout comme ma tenue grise d'ouvrier et mon dos arqué décrivent mon statut de travailleur manuel à qui me regarde.
Il s'arrête à quelques pas de moi. "Auriez-vous s'il vous plait une cigarette ? Distrait comme je suis pas les affaires, j'ai oublié d'en commander une boite !"
"Bien sûr. Un instant"
Je me retourne et cherche deux cigarette dans la petite boite au fond de ma poche.
Rectangulaire et Mauve, ma boite.

Pourquoi me suis-je retourné pour l'ouvrir ? Vous montreriez vos sous-vêtements à des inconnu ? Non, eh bien la même pudeur ordonne que nous ne leur montrions pas nos boites. La couleur et la forme que nous choisissons en disent beaucoup sur les personnes, parait-il, ce qui les fait appartenir au domaine privé. Intime.

Bref. Je lui donne une cigarette et m'en allume une.

"Merci, jeune homme."

Il resta là. Au bout de quelques secondes, la politesse m'obligea à engager la conversation :

"Dure journée ?"
"Habituelle. J'ai oeuvré pour la paix, je me suis engagé dans un conflit guerrier, j'ai fait des déclarations. C'est une routine qui fini par lasser, mais c'est mon métier."
"oh. Pardon, quel est votre métier ?"
"Je suis un philosophe."
"Les philosophes n'ont-il pas pour rôle de penser la vie et transmettre leurs réflexions ?"
"C'est une définition bien obsolète. La vie a suffisamment été pensée, maintenant nous la vivons."
"Signer des traités est devenu un acte philosophique ?"
"Ne me donnez pas de leçons sur la manière de faire mon métier et je ne vous donnerais pas de leçons sur le votre. D'ailleurs, quel est-il, votre métier ?" Pas de mépris dans sa voix, elle avait la neutralité de ... d'une boite carrée blanche.
"Je suis un fabriquant de boites. "
"Ah ! Mais c'est fantastique ! Vous faites partie du socle de notre société !"
Il est maintenant assez enthousiaste. Une boite orange fluorescente et ronde qui vous échappe des mains en bondissant.
"Si vous le dites, philosophe. Je dois m'en aller."

Détruire.

Il m'agace.
Nous nous saluons et je me dirige vers mon domicile. Une maison pré-fabriquée parmi d'autres. Une boite, oui.



Je peux sentir la présence fantôme des boites dans ma maison. J'embrasse nonchalamment ma femme qui me raconte que nous avons reçu de merveilleuses choses. Je prétexte une grande fatigue pour aller me reposer seul.



Une heure plus tard, je ne dors pas. Je regarde ma maison brûler.

Et mon usine explose, les boites volent en tous sens et se consument doucement sur le sol.
Certaines maisons sont en ruine ou calcinées. On raconte que le gouvernement est tombé, les gens sont désemparés, tout le monde se bouscule, on hurle, on pleure, et un rire, le mien, perce ce vacarme.

Faire sauter les boites. Toutes les boites.

Je continue de marcher dans une foule indistincte, je m'avance et j'ai la sensation de tomber et ...

Je me réveille. C'était un rêve ? Vraiment ? Amertume et désespoir. Je me lève, dégouté.

Plus de boites. Plus jamais.

Juste une dernière, et après plus rien. J'ouvre un tiroir, et la voilà : carrée et noire. Je l'ai commandé et fabriqué au début de ma carrière. Jamais ouverte. Il est temps.
Je l'ouvre et j'y trouve cet objet, petite boite chargée de mort, au bout rond et noir et froid, au manche qui s'ancre si bien dans ma main usée , ma main dont l'index caresse la détente alors qu'elle s'élève contre ma tempe.
Je ferme les yeux, crispe ma main sur l'objet et presse la détente. Enfin les boites sortent de mon esprit.

_
Le matin même, il fût mis en terre dans un cercueil d'ébène rectangulaire.


Le fabriquant de boites. 21/28 17/07/2011 à 00:23
J'aime bien, je sais pas pourquoi mais j'aime bien.
Le fabriquant de boites. 22/28 23/07/2011 à 00:02
Si c'est une critique de la societe, c'est rate. Trop narratif a mon gout, pas de vraie reflexion, ou alors c'est sacrement tordu !
Si c'est une nouvelle, il manque ... des emotions. Et oui, la fin est foireuse. D'un autre cote je suis assez fatigue donc ca affecte probablement ma lecture.
Le fabriquant de boites. 23/28 23/07/2011 à 00:22
Ca m'a saoulé. J'ai trouvé ça lourd.
Le fabriquant de boites. 24/28 23/07/2011 à 01:13
J'aime bien. Ça m'a fait penser à Orwell, aussi. Et à Fahrenheit 451. Yeux Bleus

J'avoue que j'ai plus aimé la fin que le début, il me semblait un peu... Sans âme, quoi. Papillon
Le fabriquant de boites. 25/28 24/07/2011 à 02:04
J'ai beaucoup aimé hormis cette fin qui est à retravailler. Peut être que le suicide est trop attendu...
Je n'ai pas forcément trouvé d'utilité à la rencontre avec l'autre homme...

Mais le texte est dans son ensemble très bien écrit.
Le fabriquant de boites. 26/28 25/07/2011 à 19:19
Napnap a écrit :
Si c'est une critique de la societe, c'est rate. Trop narratif a mon gout, pas de vraie reflexion, ou alors c'est sacrement tordu !


C'est juste tordu alors. x)

La Frisée. a écrit :
J'aime bien. Ça m'a fait penser à Orwell, aussi. Et à Fahrenheit 451.
J'avoue que j'ai plus aimé la fin que le début, il me semblait un peu... Sans âme, quoi.


Fahrenheit 451 ! Coeur

Whatever Works a écrit :
Je n'ai pas forcément trouvé d'utilité à la rencontre avec l'autre homme...

c'est un prétexte parce que je voulais me défouler sur BHL. Et y'a un intérêt, quand il dit "Vous faites partie du socle de notre société !" il est hypocrite mais il dit la vérité.
Sinon j'avoue que son arrivée tombe comme un cheveux sur la soupe (ça énerve le perso principal aussi).
Le fabriquant de boites. 27/28 25/07/2011 à 20:06
J'ai en effet reconnu la volonté de quelqu'un qui avait lu Fahrenheit 451, un ouvrage que j'admire moi-même... Il y avait un univers identique, et ça se voyait surtout à travers la rencontre avec l'homme philosophe (car Ray Bradbury a décalé presque tous les métiers de tout le monde dans son livre, tu as fait pareil)

Sinon, c'est sympa mais pas... immergeant (embêtant pour quelqu'un avec ton pseudo). On ne ressent pas la folie du personnage. Ca gagnerait à être plus développé.

Et oui : la fin est bâclée. Je m'attendais à ça à vrai dire mais c'est très mal exécuté. Ca gagnerait à être plus tordu, façon Stephen King.
Mais le problème ne vient pas seulement de la fin, car la puissance d'une fin se mesure aussi par rapport à l'intensité de ce qui a précédé. Si tu veux un livre "choc" qui te donnera une idée sur les moments "BOUM" comme tu dis, lis "Misery" par Stephen King.
Le fabriquant de boites. 28/28 07/08/2011 à 20:31
J'ai pas lu Farhenheit 451, mais je connais le film et suis en quête du bouquin ^^
Stephen King, le mec qui remplit les 3 quarts du 1er étage de ma bibliothèque Coeur

Je pense pas pouvoir perfectionner cette fin pour l'instant, mais bon, je la rebricolerais sûrement un jour.

(oui oui, je réponds à un fantôme).
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