Bon, je vous fais le bilan de ce qui se passe à la Réunion.
Nous, qui vous regardons d'ici, ne comprenons pas ces manifestations qui ressemblent à des guerres civiles, peut-être un coup de la presse pour faire changer l'opinion publique ?
J'aimerais répondre à ceux qui déclarent : "nous sommes contre la réforme des lycées et nous combattons pour son retrait", ok ok, mais est-ce que vous savez qu'on se bat pour bien plus de choses ?
Les réformes touchent toutes les institutions, de la maternelle aux IUT, et comme les plus jeunes n'ont pas encore développé une maturité suffisamment importante pour comprendre ces réformes, ou même d'aller dans la rue (c'est vrai que je vois mal des élèves de maternelle ou de primaire aller manifester contre les réformes, qu'ils ne peuvent pas réellement comprendre), nous, parents d'élèves de toutes les écoles, professeurs de toutes les écoles, et lycéens (parfois collégiens), combattons pour eux.
Il ne faut pas oublier que la jeunesse représente l'avenir de la société, donc on mène un combat qui a une dimension bien plus vaste que celle qu'on croit.
Je n'en peux plus de rencontrer des gens nous traitant de fainéants, d'ignorants, d'immatures, voire des gens mal informés nous demandant si on croit que le système éducatif actuel est parfait, si on a vraiment une école publique, laïque et gratuite.
Oh ! On n'est pas contre une réforme des écoles en général, on est contre
CES réformes qui sont axées non pas sur l'éducation mais sur des
économies budgétaires et rien d'autre.
On nous demande de plus en plus de qualification, comment en avoir si on réduit le nombre d'heures de cours, si on supprime les aides qu'on pouvait apporter aux élèves en difficulté (RASED et classes d'insertion entre autres), si on supprime l'enrichissement de connaissances qu'apportaient des programmes/options (transformation des Sciences Économiques et
Sociales en Enseignement Économique, dans le seul but de former des travailleurs plutôt que des citoyens avec un esprit critique sur le monde qui les entoure et leur permettant de comprendre beaucoup de phénomènes de société ou économiques), si on transforme des matières et options en modules (soit demander à des élèves de seconde savoir ce qu'ils voudront faire dans dix ans, soit détruire des passerelles permettant de se ré-orienter), si on retire la diversité et le large éventail d'options dont les élèves disposaient (bien qu'elles ne soient pas disponibles dans tous les lycées, mais avec ce système de modules, il y a plein de questions du même ordre à se poser), si on retire la gratuité des écoles maternelles (renseignez vous sur la mise en place du jardin d'éveil), qu'on ne donne les moyens de s'éduquer qu'aux enfants issus de familles aisées, si l'Etat ne s'occupe plus de financer les IUT et les laisser dépendantes de leurs universités qui ne disposent évidemment pas toutes du même capital...
Tout ça pour quoi ? Pour des économies, pour dissimuler les 90 000 suppressions de postes prévues pour 2012.
L'éducation n'est pas une entreprise.
Attention, je ne dis pas que le système actuel ne pose pas de problème, mais pourquoi empirer les choses quand on peut les améliorer ?
À la Réunion, on préconise la transmission d'informations de
qualité, et cette semaine, on avait seulement prévu de faire des Assemblées Générales (AG) devant chaque lycée mercredi matin.
Pourtant, le Nord s'est bougé lundi, et quelques lycées du Sud ont suivi. Mardi, il y a eu de la mobilisation partout, à la grande surprise de tout le monde, les représentants de chaque lycée se sont donc débrouillés pour rassembler tous les lycéens d'une même commune devant la mairie de chacune d'elle.
Dans la nôtre, une délégation (j'en faisais parti) a été reçue par le député-maire qui était de notre côté et avec qui nous avons rédigé une lettre à Xavier Darcos (bon c'est loin d'être une victoire mais c'était un début).
Mercredi, des Assemblées Générales ont comme prévu été tenues, sauf qu'elles se sont faites devant un seul lycée qu'on pouvait considérer comme le plus mobilisé de chaque commune, elles ont été enchaînées par quelques mouvements.
Dans ma commune, j'ai, ce jour-là, suite au mouvement entamé après l'AG, lancé un appel à la mobilisation de tous les lycéens du Sud dans la "capitale" du Sud (St-Pierre), et de tous les lycéens du Nord dans la "capitale" du Nord (St-Denis, qui est tout de même le chef-lieu de la Réunion).
Après cet appel, j'ai appelé des représentants d'autres lycées et le soir-même une AG avec les représentants syndiqués, professeurs, parents d'élèves, et lycéens a été tenue à l'IUT de la capitale du Sud (St-Pierre).
On s'est organisé pour les bus, il y en a eu 2 (55 places) dans chaque lycée du Sud mobilisé.
(on était plus nombreux dans le Sud
)
Jeudi était une journée de transition, certains lycées ont maintenu la mobilisation pour que les élèves ne se relâchent pas, que le mouvement ne soit pas "cassé", je tiens à préciser qu'on a été rejoints par certains collèges parce qu'on est allé faire passer l'information directement chez eux lors de manifestations précédentes, avec un mégaphone et des tracts.
Bien sûr, on les a réunis sur un stade à proximité de notre lycée "QG" et on a continué de leur expliquer les réformes.
Vendredi, c'était la première fois qu'on voyait autant de lycéens mobilisés sans professeurs ni parents d'élèves, 5 000 manifestants lycéens dans toute l'île.
On a été reçu par le sous-préfet (cependant on n'a plus de recteur au rectorat -_-).
Pecresse a annulé son voyage à la Réunion
Bref, ce n'est pas en vous disant "ce n'est pas en manifestant que les choses vont bouger", que vous allez faire bouger encore plus les choses. Toutes les solutions extrêmes (s'il en faut) ont bien un début, on ne gagne que les combats qu'on mène, et on en a gagné dans le passé.
On a essayé les medias et les tracts pour rallier l'opinion publique à notre cause, ça n'a pas fonctionné, ce n'est pas efficace.
Les mouvements de cette semaine ont été improvisés et ça a très bien fonctionné, parce que les lycéens savent très bien faire passer l'information entre eux, on n'a pas besoin d'être syndiqué pour faire bouger les choses.
Lundi soir, chez nous, on prévoit une "Nuit des Lycées", pendant laquelle professeurs, parents d'élèves et élèves occupent un lycée "QG" d'une commune pour discuter des réformes et de la suite du mouvement (et dorment à l'intérieur du lycée par la suite
).
On ne lâchera pas l'affaire, beaucoup de gens essaient de nous décourager en nous disant "ça ne servira à rien, on n'est plus en démocratie etc etc bla bla", arrêtez de vous épuiser à nous dire ça, ça ne nous avancera à rien, vous encore moins, et des combats ont été remportés dans le passé par le peuple, on croit toujours à une victoire du même combattant.